L’intelligence artificielle en est à ses balbutiements, explique une étude publiée vendredi par Qhubit Hub et Qhala, deux sociétés kényanes de recherche dans les nouvelles technologies. L’IA avance à la vitesse grand V dans le monde, mais fait des pas de fourmis en Afrique. Manque d’investissements, de logistique, d’intérêt des gouvernements sont autant de difficultés à surmonter.
Première difficulté : les data. L’intelligence artificielle devient de plus en plus performante à mesure qu’elle collecte des données. Or, en Afrique, ces data sont insuffisantes. L’étude publiée par Qhubit Hub et Qhala prend l’exemple d’images générées par intelligence artificielle. Aujourd’hui, elle n’arrive pas à produire une photo d’un médecin noir qui soigne un enfant blanc.
Plus inquiétant, alors que l’IA a permis de grandes avancées dans la détection des cancers, notamment de la peau, une étude de l’université de médecine d’Hamilton au Canada, démontre que ces progrès ne concernent pas les peaux noires. Faute de data suffisantes.
Autre difficulté pour le continent : le manque d’infrastructures. Seuls quatre pays africains disposent de plus de dix data centers. Une dizaine n’en ont pas du tout. Et seul le Maroc est équipé d’ordinateurs suffisamment puissants pour générer de l’IA. Enfin, les investissements dans ce secteur sont globalement minimes sur l’ensemble du continent.
En novembre, le chercheur Seydina Ndiaye, membre du groupe de réflexion de l’ONU sur l’IA a alerté sur un risque de « nouvelle colonisation de l’Afrique » par l’intelligence artificielle, si ces déséquilibres ne sont pas corrigés.
Selon le rapport de Qhubit Hub et Qhala, une régulation précoce du secteur serait aussi un frein à son développement. Au Kenya, le gouvernement a proposé l’année dernière une loi sur l’intelligence artificielle et la robotique, qui a suscité une levée de boucliers des professionnels du secteur, comme Dr Shikoh Gitau, PDG de Qhala.
En Europe, on régule les informations produites par l’IA, aux États-Unis, c’est la technologie. Mais en Afrique, rien de tout ça n’existe. Alors qu’est-ce qu’on va réguler ? Ce qu’il nous faut d’abord, c’est créer un écosystème avec des datas, des infrastructures, de la main d’oeuvre qualifiée. Alors, on pourra décider quoi réguler.
Gaëlle Laleix
(Source : RFI, 19 février 2024)