Souveraineté numérique, transformation digitale, protection des infrastructures critiques, identité digitale, contenu local, interopérabilité des systèmes d’information de l’administration, financement de l’innovation… Antoine Ngom sort l’artillerie lourde pour commenter l’arrivée de nouvelles autorités numériques dans le secteur, à la faveur de la dernière présidentielle au Sénégal. Le président d’OPTIC qui s’entretient en exclusivité avec Le Tech Observateur se félicite déjà de la place occupée par le secteur privé national, la digitalisation, la souveraineté numérique et l’endogénéisation de l’économie dans la vision et les directives du Président de la République. Monsieur Ngom aura l’occasion d’insister sur ces problématiques majeures à l’occasion de la rencontre que Bassirou Diomaye Faye a bien voulu avoir ce 23 avril avec les organisations patronales en présence des acteurs du numérique.
Le Tech Observateur : Comment OPTIC accueille l’arrivée d’un nouveau Ministre de la Communication, des Télécommunications et du Numérique issu du secteur ?
Antoine Ngom : Permettez-moi d’abord de saluer la place qu’occupent le secteur privé national, la digitalisation, la souveraineté numérique et l’endogénéisation de l’économie dans la vision et les directives du Président de la République. C’est le lieu de réaffirmer que le nouvel exécutif peut compter sur un écosystème du numérique sénégalais qui dispose de toute l’expertise nécessaire pour atteindre ces objectifs stratégiques.
C’est au travers d’un partenariat public/privé fort, j’allais dire une alliance stratégique Etat/secteur privé, que nous pourrons co-construire le Sénégal Numérique, véritable levier de développement économique et social.
Cette alliance stratégique sera d’autant plus aisé à construire que nous avons à la tête du département ministériel du numérique un ministre qui comprend plus facilement les enjeux d’un secteur qui évolue très rapidement en transformant profondément et durablement nos sociétés et nos économies.
C’est dire que nous accueillons très favorablement la nomination de Monsieur Alioune SALL, issu de notre secteur, comme Ministre de la Communication, des Télécommunications et du Numérique.
Nous sommes persuadés qu’il suivra très rapidement l’exemple du Président de la République, qui reçoit cette semaine les Présidents des Organisations patronales, en conviant le secteur privé du numérique afin d’initier la co-construction de la feuille de route du numérique du Sénégal.
Le Tech Observateur : Est-ce que vous pensez que c’est une garantie de succès ?
Antoine Ngom : L’évolution fulgurante des technologies numériques impactant structurellement nos économies et nos sociétés, l’exploitation des opportunités qui en découlent tout en minimisant les menaces est un exercice tout aussi stratégique que complexe.
La vision et la volonté politique étant clairement affichées par les plus hautes autorités, c’est la capacité à les traduire en plan d’actions puis à les exécuter qui constituent le facteur clé de succès.
Nous pensons que cela sera largement facilité par la mise en place d’une équipe compétente, sous le leadership du Ministre, qui pourra facilement s’approprier les enjeux du secteur, nouer des partenariats intelligents avec les acteurs de l’écosystème afin de mener les réformes adéquates et de mettre en œuvre les projets dans des délais raisonnables.
Naturellement, le fait que le Ministre soit un professionnel de notre secteur est un atout indéniable pour la réussite de sa mission.
Le Tech Observateur : Quels sont les chantiers prioritaires auxquels il devrait s’atteler avec le secteur ?
Antoine Ngom : Vous avez raison Ousmane de sous-entendre que l’identification et la mise en œuvre des chantiers prioritaires sera l’objet d’une co-construction avec l’écosystème.
Nous pensons que nous ne pourrons pas faire l’économie de la démarche qui consisterait à :
Elaborer d’une nouvelle stratégie nationale du numérique qui passe bien sûr par un état des lieux et une évaluation des stratégies, (notamment la SN2025 qui arrive à échéance), des projets, des réformes et des dispositifs institutionnels existants
Mettre en œuvre du Plan d’actions qui en découle
A côté de cette démarche classique, nous pensons qu’il y’a d’ores et déjà des Quick wins qu’il convient d’engager immédiatement :
En matière de réformes
Loi relative à la souveraineté numérique Extension au numérique de la loi portant sur le contenu local
En termes de projets
L’identité numérique La dématérialisation des procédures administratives L’interopérabilité des systèmes d’information de l’administration
Par ailleurs, il nous semble important d’engager immédiatement la mise en œuvre des projets structurants des stratégies IA et Données qui viennent d’être élaborées ainsi que l’opérationnalisation de la loi startup qui demande d’ailleurs à être remise à niveau.
Beaucoup d’autres chantiers sont également prioritaires comme ceux portant sur le financement de l’innovation et de la recherche, le capital humain, l’Industrie 4.0 et l’aménagement numérique du territoire.
Le Tech Observateur – Ces jours-ci, il est beaucoup question de souveraineté numérique. Comment le Sénégal devrait garantir la sienne ?
Antoine Ngom : Il s’agit d’une thématique que le secteur privé du numérique sénégalais et ouest africain (ROPTIC UEMOA) met en avant depuis quelques années déjà. D’ailleurs, un des panels du dernier SIPEN 2023 régional organisé à Dakar portait sur ledit sujet.
Les nouvelles hautes autorités sont très bien inspirées en faisant de la souveraineté numérique, un des piliers majeurs du Sénégal souverain qu’elles comptent construire.
Depuis la COVID, cet aspect souveraineté est devenu critique partout dans le monde, dans plusieurs domaines, pourquoi pas chez nous.
Oui, la souveraineté numérique assumée de nos états doit être érigée en une priorité stratégique.
Il en est de même de l’Accélération de la transformation numérique, mais en tenant compte de la nécessaire autonomie stratégique dans ce domaine.
Ainsi, nous pensons que l’accélération de la transformation numérique doit se faire en tenant compte :
Des aspects sécuritaires notamment des infrastructures critiques de nos pays (communication, centres de données, énergie, institutions financières, …)
Des aspects de protection des données critiques (Identité, Données de Santé, Foncier, etc…)
Des applications critiques
La meilleure façon d’assurer la protection de nos infrastructures, de nos données et services critiques, c’est d’en avoir la maîtrise, avec le moins de dépendance possible de l’extérieur.
La meilleure façon d’avoir cette maitrise, c’est de développer l’expertise locale et d’avoir un secteur privé du numérique fort, une industrie numérique performante pour accompagner la transformation et adresser aussi des sujets connexes comme l’Innovation technologique et la Recherche, notamment dans des domaines comme l’Intelligence Artificielle (IA), le BIG Data, la cybersécurité, l’IOT (Internet of Things), le Cloud Computing, etc…
Dans cette optique, Il est très important de travailler à soutenir les entreprises technologiques nationales qui vont fournir cette expertise locale.
Cela ne veut nullement dire travailler en vase clos surtout dans un domaine aussi mondialisé et ouvert ; Il faut en effet cultiver une coopération intelligente avec des acteurs externes en tenant compte de nos intérêts stratégiques.
A côté de la souveraineté numérique, il y’a bien sûr la nécessité :
D’avoir un environnement favorable au développement des startups et entreprises innovantes ;
De disposer de véhicules de financements innovants ;
D’avoir un capital humain en cohérences avec nos ambitions dans le numérique ;
Le Tech Observateur : Quel regard avez vous sur la SN2025 qui arrive à expiration et qui, du fait du changement de référentiel économique, doit être actualisée ?
Antoine Ngom : Nous avons annoncé tantôt la nécessité d’élaborer une nouvelle stratégie numérique ambitieuse qui prendra le relais de la SN2025, avec un dispositif de pilotage efficace, orienté résultats.
La nouvelle stratégie doit être vue de manière holistique en intégrant ou articulant les différentes stratégies (Cybersécurité, eCommerce, Données, IA,…).
C’est maintenant qu’il faut engager l’exercice de co-construction avec une vision prospective beaucoup plus longue (15 à 20 ans) avec des quick wins et des jalons tous les 5 ans, permettant d’évaluer, d’actualiser et d’accélérer la mise en œuvre de la stratégie.
(Source : Le Techobservateur, 23 avril 2024)