La transition digitale est en marche au Port autonome de Dakar (Pad) dans un contexte de doublement de containers traités depuis 2010 : plus de 800 000 par an en 2023 contre 400 000 en 2010. Le Guichet unique des enlèvements a été mis en ligne mardi dernier. Il a donné « des résultats très positifs », à en croire Baba Tall, président de la Communauté des acteurs portuaires (Cap Sénégal), par ailleurs Directeur général de Maritalia. M. Tall revient ici sur les enjeux de la numérisation entière des opérations de dédouanement et post-dédouanement.

« Nous avons obtenu des retours rassurants et très positifs après la mise en ligne de la plateforme du Guichet unique des enlèvements. Et au cours des premières 24 heures, près de 180 acteurs ont utilisé la plateforme », déclare d’emblée le président de la Communauté des acteurs portuaires (Cap Sénégal), une association faitière créée en 1994 et regroupant l’ensemble des acteurs ayant des intérêts ou menant des activités directes ou indirectes sur les places portuaires du Sénégal. « C’est une plateforme digitale qui permet à tous les acteurs de se connecter et de traiter leurs dossiers sans se déplacer », explique Baba Tall dans un entretien accordé au « Soleil ». Avec l’avènement du container, le transport s’est beaucoup développé. Et « suivant la vision des Directeurs généraux du Port autonome de Dakar (Pad) et des Douanes, nous avons jugé nécessaire de mettre en place cette plateforme pour gagner du temps et en compétitivité, et éviter ainsi les pénalités que supportent les acteurs et les consommateurs au bout de la chaîne », précise-t-il.

Le Guichet unique permet, entre autres innovations, l’identification de la responsabilité du dépassement des délais de franchise pour les conteneurs pour chaque acteur (commerçants, manutentionnaires, transporteurs, intervenants), dans le processus et qui auront la charge de payer les retards de délais constatés.

Décongestionnement

« Il faut dire que le Sénégal a intégré, depuis très longtemps, la digitalisation dans le processus de prédédouanement avec Orbus ; le Sénégal a aussi réussi le dédouanement rapide digitalisé avec Gaïndé », rappelle notre interlocuteur. Ceci permet, si les documents sont au complet, d’obtenir le bon à enlever de la douane en moins de quatre heures. Il restait le post-dédouanement : une fois franchie la frontière, il y a des formalités faisant intervenir plusieurs acteurs : les lignes maritimes, les transitaires, les manutentionnaires, les commissionnaires en douane agréés, les transporteurs… Et c’était difficile avec un environnement contraignant et des délais très courts. Ainsi, « avec l’augmentation des volumes, les opérateurs n’arrivaient pas à remplir les formalités dans les délais requis, engendrant des pénalités nées du magasinage, c’est-à-dire l’espace occupé par les marchandises dans les entrepôts du domaine portuaire », explique le Dg de Maritalia. « On comprend aisément que pouvoir faire ces formalités à partir de n’importe quel lieu, même de l’étranger, avec le support approprié (téléphone, ordinateur portable), est une grande avancée. Zéro papier donc », se félicite-t-il.

Le premier résultat espéré est le décongestionnement total du Pad. Baba Tall révèle que de 400 000 containers à peu près en 2010, aujourd’hui, ils en sont à plus de 800 000 par an. Et avec les nouveaux ports, « l’objectif est d’arriver à 2 000 000 de containers par an ».

Les acteurs travaillent depuis six mois avec des phases-tests, des phases-pilotes. En 2019-2020, dans le sillage du Pse, compte tenu des atouts du Sénégal (position géographique, stabilité politique), le Président Macky Sall avait jugé bon de lancer des projets innovants, en l’occurrence les ports de Sendou et de Ndayane. Il proposait aussi de développer les ports secondaires. « C’est dans ce cadre que nous avons senti la nécessité d’élargir le champ d’action de la Cap, au lieu de nous limiter à Dakar. D’où le changement de dénomination qui a donné Cap Sénégal », précise M. Tall.

Ndayane

Depuis le 31 mai 2023, date à laquelle la Communauté des acteurs portuaires a tenu une réunion élargie, chaque entité a apporté ses observations et souligné ses préoccupations. C’est sur la base de ces données qu’un opérateur technique a été choisi, Gaïndé 2000 précisément, pour édifier le Guichet unique. Il y a eu plusieurs sessions de formation et de sensibilisation des acteurs de toute la chaîne logistique. Par ailleurs, la Cap Sénégal a initié divers projets pour s’ajuster aux normes internationales. Près de 90 % des transactions avec l’étranger passent par le port. C’est un milieu regroupant divers acteurs, dont les dockers, les marins, les transitaires. « Nous avons pensé qu’il serait judicieux d’édifier un musée du Port autonome de Dakar qui a été construit depuis 1847. Il y a une histoire qu’on ne doit pas perdre. Il y a aussi le récit d’une évolution qui peut permettre d’apprécier le chemin parcouru. Cela peut aussi développer chez les jeunes une attraction pour les métiers portuaires », explique Baba Tall.

Autre projet, l’institution d’un « Seamen’s club », un endroit qui permet aux acteurs de se retrouver pour échanger sur l’actualité maritime et portuaire. « Dans les grands ports du monde, Anvers ou Le Havre, vous en trouverez. Nous travaillons parallèlement avec la Cellule qualité de la Direction générale du port pour rendre l’infrastructure propre et sécurisée », se justifie le président de la Cap Sénégal.

Cette digitalisation a lieu alors que le nouveau port de Ndayane est en construction. À ce sujet, la Cap Sénégal souligne que « le port de Dakar est à l’étroit ; il est en plein centre-ville et il n’est plus possible de l’étendre. Et quand on parle de port, on pense d’abord aux navires et aux marchandises ». Le port de Ndayane aura un tirant d’eau de 20 mètres ; ce qui lui permettra d’accueillir des navires de dernière génération. « On veut que Ndayane soit un port avec une zone industrielle où des entreprises multinationales viendront opérer. Cela permettra la création de milliers d’emplois et une plus grande ouverture de notre pays vers les marchés de la sous-région », plaide-t-il. Baba Tall rappelle que « la Cap Sénégal est le premier commercial du port de Dakar ».

Samboudian Kamara

(Source : Le Soleil, 5 janvier 2024)

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