Depuis le 14 mars 2024, plusieurs pays africains desservis en connexion Internet par les câbles sous-marins à fibre optique WACS, MainOne, SAT3 et ACE sont sevrés de la connexion Internet.
D’autres pays disposant de câbles sous-marins à fibre optique supplémentaires rencontrent des perturbations avec une lenteur de la connexion Internet. C’est le cas du Cameroun qui dispose en plus du SAIL (South Atlantic Inter Link), câble sous-marin à fibre optique long de 6 000 Km reliant le Brésil au Cameroun.
De nombreux opérateurs télécoms, par ailleurs FAI, ont pris des mesures pour limiter la casse et fournissent un service minimal à leurs abonnés. Beaugas ORAIN DJOYUM, DG du cabinet de veille stratégique, d’e-Réputation, de Personal branding et de Nation branding ICT Media STRATEGIES, évalue les conséquences de ces coupures et perturbations de l’Internet au Cameroun et rappelle la place incontournable qu’occupe Internet aujourd’hui dans vie et l’évolution des organisations, institutions, PME, entreprises et particuliers.
Quelle est la place d’Internet dans le monde aujourd’hui ?
Beaugas ORAIN DJOYUM : Pour de nombreuses institutions, organisations et personnes Internet est devenu ce qu’est l’air pour chaque être vivant. Nécessaire, indispensable, bénéfique et vital. Nous vivons une ère digitale où le monde est définitivement devenu un village planétaire. Les affaires se font en ligne ; les contrats et partenariats se font en ligne ; les ventes se font en ligne. Tout ce qui entraîne la multiplication et la diversification des moyens de communication en ligne.
Qu’importe votre activité, si vous travaillez aujourd’hui, en 2024, dans l’ère du tout numérique, sans faire usage de l’Internet ou de ses ressources, cela veut dire que vous devez questionner votre démarche et remettre en cause vos méthodes de travail.
Ces dernières 48 heures, le Cameroun fait face à des perturbations de connexion internet. Comment ces perturbations impactent-elles certaines activités économiques ?
Beaugas ORAIN DJOYUM : L’impact, bien que nous n’ayons pas des outils pour le mesurer en temps réel, est considérable. Et ceci à tous les niveaux. Il y a des PME et entreprises qui font leur chiffre d’affaires exclusivement avec ou sur Internet. Pareil pour de nombreux commerçants et particuliers qui utilisent Internet pour faire la promotion et la vente de leurs produits et services.
Notre cabinet ICT Media STRATEGIES par exemple est spécialisé dans la veille stratégique, l’e-réputation et la régie publicitaire web. Sans Internet, nous sommes sans ressources. Sans Internet, pas de travail. Donc, pas d’argent.
En clair, sans Internet, des PME comme les nôtres vont fermer boutique ou réorienter complètement leurs activités. Depuis hier par exemple, il nous est impossible de proposer à nos clients et aux organisateurs d’événements nos services de live streaming professionnel sur Facebook, X et YouTube. Parce qu’avec l’incident qui a affecté les câbles sous-marins à fibre optique desservant le Cameroun, nous avons une connexion internet hyper lente ayant un débit montant d’à peine 1 Mbps. Impossible de tenter de faire un live streaming Professionnel avec ce débit. Et si par hasard vous réussissez à avoir une connexion Internet via satellite et parvenez à réaliser le live, il y aura moins d’internautes connectés au live, car ceux-ci ont les soucis de connexion Internet.
Du coup, cela fait moins d’argent non seulement pour notre cabinet, mais également pour nos clients qui souhaitent toucher et vendre au maximum d’internautes et aussi et surtout moins d’argent pour le fisc camerounais, car nous payons les impôts.
Il en est de même pour les jeunes qui vendent simplement leurs produits et services en postant sur leurs comptes et sur leurs statuts Facebook, WhatsApp, Instagram ou YouTube. Parfois sur leur site web. Tout le monde est perdant dans cette affaire. Tous les cinq millions d’utilisateurs des réseaux sociaux du Cameroun sont affectés à des degrés divers.
A combien peut-on estimer le coût de ces perturbations (les pertes) sur l’économie camerounaise ?
Beaugas ORAIN DJOYUM : Nous n’avons pas encore une institution au Cameroun qui a personnellement fait une étude sur le manque à gagner des coupures d’Internet par jour. Encore que cela est complexe à réaliser dans la mesure où les types de données à utiliser pour quantifier l’impact de ces coupures et perturbations de la connexion internet sont nombreuses et parfois très peu saisissables. Car même les acteurs du secteur informel subissent les répercussions parfois plus importantes de l’indisponibilité ou de la mauvaise qualité de la connexion Internet.
Par contre, si l’on se base sur les données des trois organisations International Crisis Group, Internet Sans Frontières et Access Now qui ont fait des estimations en 2018 sur le coût des pertes liées à la coupure de l’Internet dans deux régions du Cameroun, on a en moyenne une estimation 44,7 millions de francs CFA de pertes par jour pendant les 246 jours de coupures d’Internet dans deux régions du Cameroun en 2018.
Si l’on va sur la base de la moyenne de ces données pour les autres régions du pays et considérant les dix régions du Cameroun et le nombre sans cesse croissant des utilisateurs Internet au Cameroun (de 6,13 millions d’utilisateurs Internet en 2018 à 12,7 millions d’internautes en 2024, selon Datareportal) on peut estimer que pour une seule journée de coupure de l’Internet au Cameroun, l’impact socioéconomique peut être une perte d’environ 500 millions de francs CFA par jour.
Propos recueillis par Arthur Wandji, Ecomatin
(Source : Digital Business Africa, 18 mars 2024)