Bienvenu Irakoze est Secrétaire exécutif du SETIC (secrétariat exécutif des technologies de l’information et de la communication), un organe étatique sous la tutelle du ministère des TICS, chargé de coordonner et suivre tous les projets et programmes visant la mise en œuvre de la politique nationale des TIC au Burundi. En tant que structure d’accompagnement, elle a pour vison « de rendre le numérique le socle du développement du Burundi ». Dans cet entretien, il revient sur les défis et les perspectives de l’écosystème numérique dans son pays.
Cio-Mag : De manière générale, quels états des lieux faites-vous des TIC au Burundi ?
Bienvenu Irakoze : Le Burundi possède le réseau à fibre optique le plus dense dans la sous-région, suite à la présence de deux opérateurs avec des réseaux nationaux backbone. Nous avons un réseau national à fibre optique (réseau backbone), implémenté depuis 2010 et dont l’exploitation a commencé en 2013-2014. Il couvre presque toutes les provinces, avec 7 points de présence pour connecter le Burundi avec les pays voisins. Le pays possède aussi un réseau national à fibre optique de l’opérateur des télécoms Vietel. Parlant de la téléphonique mobile, il sied de noter que nous avons 3 opérateurs télécoms mobile avec une grande disponibilité des services mobiles 2G et 3G sur l’ensemble du territoire national. Il s’agit de Luminet, Onael et EconetLeo. Une autre observation : Le service de mobile money a connu aussi un succès fulgurant ces dernières années. Au Burundi, le système classique bancaire n’est pas opérationnel dans les coins enclavés. Les banques et les services de microfinance sont situés dans les agglomérations urbaines.
Le Burundi possède le réseau à fibre optique le plus dense dans la sous-région.
En effet, le service mobile money représente une alternative face à cette pénurie. Les populations rurales et urbaines se sont tournées vers ce nouveau service pour faire leurs transactions dans un temps record. Cet engouement a joué un rôle majeur dans la montée du taux de pénétration de la téléphonie mobile au niveau national. Actuellement, le taux de la pénétration de la téléphonie mobile est évalué à 67 % de la population, soit plus de 8 millions d’abonnés sur le territoire national. Au Burundi, il y a aussi plusieurs fournisseurs des services internet. Certains fournissent essentiellement l’internet fixe haut débit, l’internet mobile et d’autres la technologie satellitaire.
Quels sont les grands défis structurels qui entravent l’élan de la construction de l’écosystème des TIC ?
Le coût d’internet et l’accès aux terminaux numériques sont les défis auxquels nous faisons face au niveau national. Le Burundi est géographiquement enclavé mais numérique désenclavé suite à la fibre optique qui connecte le pays et l’extérieur. Pour avoir accès à internet, il faut passer par les pays frontaliers comme la Tanzanie et le Rwanda afin d’arriver à l’océan. Ce qui donne un coût additionnel sur la transmission. Allusion faite à la maintenance et d’autres charges supplémentaires. Au Burundi, le prix du mégabyte est supérieur par rapport à d’autres pays limitrophes, dont la Tanzanie et le Kenya.
Pour avoir accès à internet, il faut passer par les pays frontaliers comme la Tanzanie et le Rwanda afin d’arriver à l’océan.
Le taux élevé de la pauvreté représente aussi un autre défi majeur dans la construction de l’écosystème des TIC. La majorité de la population fait face aux difficultés socio-économiques. Une situation qui joue un impact négatif sur le taux de pénétration de l’internet fixe au pays. En outre, les problèmes liés aux compétences numériques freinent aussi cet élan. Pour autant nous ne croisons pas les bras.
En tant qu’organe technique, quelles sont les réalisations du SETIC ?
Le SETIC a plusieurs réalisations. Nous avons impulsé la mise en place d’un réseau national d’un réseau national à fibre optique backbone par société BBS qui exploite le réseau national à fibre optique. La mise en place de ce réseau a été financé par la Banque mondiale. Il y a aussi le projet PAFEN (projet d’appui aux fondations de l’économie numérique) financé par la Banque mondiale. Il vient faciliter l’utilisation du numérique dans l’administration publique et l’accès à l’inclusion numérique dans les milieux ruraux. Nous venons de mettre en place un plan directeur de digitalisation des services publics. Un pilier important pour la construction de l’économie numérique et la gouvernance numérique au Burundi.
Sur le plan éducatif, les SETIC collabore avec les hub locaux pour impulser une nouvelle dynamique de formation autour du numérique et de la formation de la jeunesse du pays.
Nous pouvons citer aussi le projet « Espace jeune et numérique » financé par le Programme des nations unies pour le développement (PNUD). A travers ce projet, nous avons formé la jeunesse burundaise. Le PAFEN avait une dimension de mentorat qui consistait à les encadrer et assurer leur accompagnement dans la recherche de l’emploi et les bourses d’études. Sur le plan éducatif, les SETIC collabore avec les hub locaux pour impulser une nouvelle dynamique de formation autour du numérique et de la formation de la jeunesse du pays. Certes beaucoup reste à faire, mais nous nous félicitions pour les bases que nous avons réussi à poser.
Quelles sont les perspectives d’avenir du SETIC ?
Dans le cadre du projet PAFEN, nous comptons contribuer à la réforme du cadre légal relatif la protection des données. Nous mettrons un accent particulier sur, entre autres, l’hébergement de solutions numériques pour bâtir les fondations solides de l’écosystème numérique. Nous comptons améliorer le taux d’accès à internet en milieu rural et réduire la fracture numérique du sexe d’ici 10 ans sur toute l’étendue du territoire national. Pour y arriver, nous devons fournir d’énormes efforts pour améliorer les compétences numériques. Pour finir, au Burundi il y a encore beaucoup d’opportunités dans le secteur du numérique. D’où nous avons besoin de la contribution de la diaspora pour la construction de ce secteur.
Enock Bulonza
(Source : CIO Mag, 16 octobre 2023)