Les régulateurs francophones du réseau Fratel se sont réunis à Rabat (Maroc), du 26 au 27 octobre, pour réfléchir sur l’implication des utilisateurs dans la régulation du marché des télécommunications. L’idée est de faire d’eux des acteurs pour une régulation garantissant leur protection et leur satisfaction. Cette implication des utilisateurs dans la régulation a fait l’objet d’une table ronde lors de la 21ème réunion annuelle du réseau francophone de la régulation des télécommunications. Occasion unique pour la Ligue des consommateurs du Togo (LCT), membre de l’Union africaine des consommateurs (UAC) qui accompagnait la délégation de l’Arcep-Togo de témoigner de l’expérience togolaise dans la co-régulation.

Au Togo, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) a fait le choix de réguler « pour le consommateur, avec le consommateur et par le consommateur », a affirmé Dr Emmanuel Sogadji, président de la Ligue des consommateurs du Togo (LCT). Sa présence à Rabat, aux côtés de la délégation du régulateur togolais, constitue d’ailleurs la preuve de cette collaboration entre l’autorité de régulation et les organisations des consommateurs. Selon une étude réalisée par l’UAC, 54% des associations de consommateurs ont des relations formelles avec leurs régulateurs et 69% de ces associations sont dans des pays où une direction est dédiée à la protection des consommateurs en Afrique. Le Togo figure parmi ces pays, et sa délégation à la 21ème réunion annuelle de Fratel est conduite par le Directeur des Affaires juridiques et de la Protection du consommateur.

Un partenariat formel

La collaboration Arcep-Togo et organisations des consommateurs se traduit par des actions concrètes que Dr Sogadji a partagées avec la table-ronde sur la thématique. Ainsi, le président de la LCT a évoqué « trois niveaux d’implication des consommateurs dans la régulation au Togo. » En 2019, ce cadre de partenariat a été formalisé, avec la signature d’un accord entre l’autorité de la régulation (ARTP, à l’époque) et les associations des consommateurs notamment l’Association togolaise des consommateurs (ATC), le Mouvement Martin Luther King (MMLK) et la LCT que préside Dr Sogadji. Ce cadre de partenariat est ensuite devenu un tremplin pour « encourager les consommateurs à s’impliquer dans les activités de sensibilisation et d’appropriation des décisions du régulateur ; ainsi que les lois et textes pris au niveau des autorités politiques. » L’Arcep-Togo a enfin « associé les collectivités locales dans le but de les amener à jouer leur responsabilité territoriale sur les aspects qui les concerne en matière de la régulation au cours d’une tournée de sensibilisation organisée à cet effet. »

L’approche togolaise ainsi résumée porte des fruits, a fait remarquer le président de la LCT. Le rapprochement entre les acteurs togolais a permis de former d’abord les défenseurs des droits des consommateurs sur les enjeux du secteur. « Les débats que nous menons avec l’Arcep-Togo nous permettent de mieux comprendre le secteur et de mieux nous prononcer sur les sujets qui concernent les aspirations des consommateurs. Aujourd’hui, nous formons près de 800 consommateurs par an, grâce à ce partenariat », a témoigné Dr Sogadji. Une fois formés, ces consommateurs s’impliquent mieux dans la régulation de diverses manières, a souligné le président de la LCT. « Ils constituent l’œil des associations de consommateurs sur le terrain, ce qui facilite les choses. »

L’autre concrétisation de la co-régulation prônée par l’Arcep-Togo se traduit par des actions de sondages qui donnent la parole aux consommateurs togolais. Des opérations auxquelles participent activement les organisations des consommateurs ; de même que les concertations régulières entre les acteurs.

« Dans toutes les enquêtes de satisfaction menées par le régulateur du Togo, les utilisateurs ont été associés par une conférence publique et la mise à disposition des moyens pouvant permettre aux consommateurs de prendre part à ces enquêtes de grand public », a attesté Dr Sogadji. Il a également évoqué l’application ‘’MyPerf by Arcep” mise en ligne par l’Arcep-Togo afin d’amener les consommateurs à faire part de leur satisfaction sur la qualité des services. De quoi faire réjouir la LCT qui s’est félicitée de l’engagement de l’Arcep-Togo à « « promouvoir l’accès aux services numériques par une régulation par tous et pour tous. » Pour y parvenir, le régulateur togolais mise aussi sur la régulation par la donnée.

Protéger le maillon le plus faible

L’une des raisons d’être d’une autorité de régulation des communications électroniques est « d’assurer la protection et la satisfaction des consommateurs », a rappelé le directeur des Affaires juridiques et de la Protection des consommateurs de l’Arcep-Togo. Kader Ouro-Agoro estime que le thème de la 21ème réunion annuelle de Fratel réconforte le régulateur togolais dans sa détermination à placer le consommateur au centre de ses préoccupations. Il a déclaré : « cette réunion nous fait comprendre que nous avons bien compris l’enjeu de notre mission, celui de mettre le consommateur au centre de nos préoccupations, de notre mission ; et cela nous rassure. » Avant d’ajouter que « le consommateur est le maillon le plus important dans l’écosystème, mais c’est aussi le maillon le plus faible qui a besoin d’être protégé contre certaines pratiques des opérateurs économiques qui peuvent léser le consommateur. »

C’est donc pour continuer par améliorer sa régulation que le Togo participe à cette réunion afin de partager son expérience et bénéficier des retours d’expériences des régulateurs de Fratel. Selon Kader Ouro-Agoro, « il est normal d’associer les consommateurs dans la régulation. Avec cette démarche, nous comprenons mieux leurs véritables attentes. » La collaboration permet d’aller vers les consommateurs, de les écouter et les impliquer, soutient le directeur des Affaires juridiques et de la Protection des consommateurs de l’Arcep-Togo. Il rappelle que « la tendance aujourd’hui est que le consommateur n’est plus un simple spectateur mais il est acteur ; d’où même des fois le terme de consom’acteur. » Pour le régulateur togolais, il ne s’agit donc pas d’imaginer, depuis ses bureaux, les besoins du consommateur, mais de les recueillir en l’approchant et en l’intégrant dans le processus de la régulation.

La force de la donnée

« Lorsque les consommateurs connaissent leurs droits, ils peuvent constituer un contre-pouvoir vis-à-vis des opérateurs. Dès lors, leur action amènera les opérateurs à s’auto-évaluer, à s’améliorer et même à s’autoréguler », espère M. Kader Ouro-Agoro. C’est donc convaincu de cette approche que « très tôt, la direction générale de l’Arcep-Togo s’est fixée comme objectif d’amener les consommateurs à prendre une part importante dans la régulation au Togo. » Le Direction générale de l’autorité de régulation des communications électroniques et des postes a fait le pari de la régulation par la donnée depuis 2021, avec la mise en place du Centre de contrôle et de supervision de la qualité de service (Quality of Service – QoS). Cette avancée technologique permet à l’Arcep-Togo d’être « un juge impartial », comme aime le dire Michel Yaovi Galley, DG de l’Arcep-Togo. L’Arcep-Togo se fait ainsi défenseur de la régulation par la donnée. Et la volonté du régulateur togolais est de « donner de plus en plus de substance à ce concept. » Au dernier Fratel déjà, le régulateur togolais avait présenté son approche active qui inspire beaucoup d’autres régulateurs.

L’amélioration de la gestion des plaintes, la diffusion de l’information aux consommateurs, la sensibilisation et la formation, l’implication des consommateurs dans la régulation sont des mécanismes qui permettent d’améliorer leur protection et leur satisfaction. A Rabat où s’est tenue la 21ème réunion annuelle de Fratel, la collaboration entre le régulateur togolais et les associations des consommateurs est restée un exemple salué, aux côtés du retour d’expérience des régulateurs de la Côte d’Ivoire et du Congo.

Souleyman Tobias

(Source : CIO Mag, 11 novembre 2023)

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