Décidément, la nouvelle élection de Son Excellence Monsieur Bassirou Diomaye FAYE au poste de Président de la République marque la fin d’une époque. Nous avons connu le Sénégal socialiste d’après indépendance et le Sénégal libéral post dévaluation. Maintenant, place au Sénégal patriotique face aux réseaux sociaux et à tous les avatârs numériques. Un jeune Président et un Premier Ministre Ousmane SONKO adulés par une jeunesse acquise à leur cause. Les jeunes sénégalais réclament plus de liberté, plus de justice et surtout des emplois. C’est bien la première fois que de nouveaux élus ne bénéficieront pas d’« état de grâce ». Parce que tout est urgence !
Le patronat et les centrales syndicales ne sont pas en reste. Ils réclament préférence nationale et souveraineté économique. C’est maintenant que l’Etat stratège doit se mettre en branle pour bien négocier les virages. Déjà, le débat fait rage sur l’indépendance politique, les ressources naturelles, la monnaie et l’identité numérique. Pour ce dernier point sur la souveraineté des données étatiques, les contingences géopolitiques et la sécurité nationale en font partout une priorité incontestable.
Avec l’élection de Son Excellence Monsieur Bassirou Diomaye FAYE, notre pays, le Sénégal, vient de connaître un des tournants les plus remarquables de son histoire politique. La situation d’aujourd’hui ressemble un peu à celle de la première alternance de l’année 2000 où tout un peuple avait espoir au SOPI, le changement. Que nenni. Le « système » avait réussi à se recycler pour 20 ans encore !
Le Président Bassirou Diomaye FAYE et son Premier Ministre Ousmane SONKO sont arrivés cette fois-ci en duo, dans un contexte très marqué par la colère du peuple. C’est la première fois qu’un opposant est passé au 1er tour de l’élection présidentielle devant le candidat du pouvoir. En plus de la quête d’un emploi introuvable, les jeunes ont été soumis à trois années de lutte sans répit marquée par des arrestations multiples. La plupart d’entre eux ont été embastillés sans jugement et libérés sans dédommagement. Aucun accompagnement psychologique. Beaucoup d’entre eux porteront pour longtemps encore les stigmates d’une une vie carcérale.
Résultat des courses, le Sénégal regorge maintenant d’une jeunesse fortement désœuvrée et perdue face à des parents fatigués, plus proches de la démission que de la résilience. Ils veulent bien tout donner à leurs enfants mais ils n’ont plus la force. Il leur reste heureusement leur foi en Dieu, en Qui nous croyons.
Disons-le tout net, les nouvelles Autorités n’ont pas hérité d’une situation de faveur. Au contraire. Tout semble à refaire, de la santé à la culture, en passant par l’éducation, l’emploi, la justice, les industries et l’économie.
Les clignotants en alerte rouge doivent pourtant céder rapidement la place au vert ou au moins à l’orange, en attendant les jours, mois et années à venir. Tout le monde s’impatiente. Qu’attendent-ils pour prendre les décisions de rupture rebobinent déjà certains compatriotes restés à quai avec leurs baluchons remplis de besoins urgents. C’est que les promesses ont été nombreuses et les espérances aussi fortes. De grâce, pas de transhumance et pas de nouvelle déception ruminent les partisans du « changement de système ».
Si l’attente s’éternise, les pirogues de migrants ne manqueront pas de reprendre le large et ce sera l’hécatombe pour notre jeunesse. Il sera alors plus facile de pêcher un sénégalais que d’attraper un poisson au fond de l’Atlantique.
Le Président et le Premier Ministre sont bien avertis, les lanceurs d’alerte sont à l’affût. Mais tout porte à croire que les Autorités ont pris la bonne température du pays et savent que rien ne leur sera toléré. Déjà que le régime défait détient la majorité des députés à l’Assemblée Nationale, leur allié le plus sûr est et restera le peuple souverain qui les a plébiscités au premier tour du 24 mars 2024. Quelle belle victoire !
Le gouvernement est installé, les passations de services sont faites. Maintenant au boulot !
Le travail a tellement manqué dans ce pays, et ce pendant trois bonnes années, de mars 2021 à mars 2024.
En réalité, depuis la pandémie Covid des années 2019 et 2020, la machine « Travailler » n’a jamais redémarré au Sénégal. D’autres virus bien connus et beaucoup plus dangereux avaient fini de s’installer dans les profondeurs de l’Etat, si bien que tous les vaccins et thérapies adoptées n’ont pu éradiquer que le virus occasionnel qui était de passage.
Avec cette nouvelle alternance au Sommet de l’Etat, est venue l’heure de soigner le Sénégal. Quand la Nation sera guérie, alors sa population pourra être définitivement immunisée contre nos vraies maladies dont les pires restent la pauvreté, l’injustice, le chômage et surtout le manque d’espoir pour les jeunes. On ne peut rester digne que par le fruit de son travail. C’est dire que l’emploi des jeunes est la priorité des priorités de ce nouveau gouvernement. Que de diplômés chômeurs ! On en rencontre de tous ordres (brevetés, bacheliers, licenciés, maitrisards, doctorants et même ingénieurs). Pour les non diplômés, c’est encore pire. La fonction la plus occupée au Sénégal est : Rien.
Pourtant, c’est le moment où l’on découvre que notre cher Sénégal est si riche en ressources naturelles comme le pétrole, le gaz, l’or, le zircon, le phosphate, le soleil pour l’énergie solaire, des terres arables et de l’eau pour l’agriculture, la mer avec ses ressources halieutiques, etc. Qu’est ce qui nous manque ?
Sincèrement, le Sénégal peut devenir un Etat souverain dans plusieurs domaines, dans un horizon proche. On n’a pas besoin d’être énarque pour le savoir. Juste un brin de patriotisme et travailler. Travailler dur et dans le long terme, avec intégrité et transparence. Nos populations sont si gentilles et croyantes. Elles ont été très résilientes face à tous les soubresauts politiques qui leur ont été imposés. Il est alors grand temps de se tourner vers elles et prendre à bras le corps leurs préoccupations. Le peuple sénégalais est de nature très reconnaissant, même au plus faible effort de ses gouvernants.
Par contre, cette nouvelle génération de jeunes sénégalais est désormais informée et ouverte à tout ce qui se passe dans le monde. On ne peut pas arrêter la mer avec ses bras. De même, on ne coupe un signal qui dispose d’autres passerelles. Les réseaux de communication sont multiples, on connait VPN maintenant. Plus de 70 pourcent de la population sénégalaise est âgée de moins de 35 ans. Aucune autorité ne peut gouverner ce monde sans tenir compte de la puissance de Messenger, Instagram, Facetime, Facebook, Tweeter, TikTok et autres réseaux sociaux. La jeunesse a soif de liberté et le peuple a faim.
Pour rompre avec les vieilles habitudes, notre Etat doit impérativement s’inventer de nouvelles stratégies de souveraineté. C’est pourquoi le travail des nouvelles Autorités se doit d’être à la hauteur des attentes et des délais. Un Etat stratège qui sait appréhender, anticiper et planifier.
La définition des priorités est essentielle pour le nouveau gouvernement. L’identification des premières actions en découlera forcément. Elle doit s’accompagner d’une communication proactive axée sur l’information juste et vraie ; ce qui permettra de maintenir le socle de confiance entre le pouvoir et les administrés. Ce ressort doit impérativement être surveillé et entretenu. La justice et les libertés sont devenues non négociables pour la jeunesse. Pour ce faire, notre souveraineté numérique sera un facteur clé dans les mois et années à venir, compte tenu du rôle éminent que les réseaux sociaux ont joué dans l’avènement de cette nouvelle alternance.
Nous prenons ici le pari de scruter les enjeux de la Souveraineté Numérique au Sénégal.
Avec la mondialisation, l’indépendance d’un pays ne saurait se définir sans la souveraineté de ses données. Qui détient l’information détient le pouvoir. L’équation de la souveraineté numérique est passée au stade de premier degré dans tous les pays, parce que l’Etat ne peut plus travailler sans l’usage des technologies digitales dans les services et administrations.
La digitalisation est devenue une nécessité absolue pour obtenir des résultats fiables et efficaces aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public. Les systèmes e-Gouvernement ont fait leurs preuves partout dans le monde. Ainsi, l’administration se déplace vers les populations au lieu de laisser celles-ci venir s’agglutiner chez elle. Le temps de traitement des dossiers ainsi que la traçabilité des informations sont améliorés par les systèmes informatisés. Ces nouveaux outils intègrent des applications de sécurité pour lutter contre la cybercriminalité devenue un enjeu de taille face à la montée du terrorisme et du djihadisme pas loin de nos frontières.
Ces dernières années, notre pays a beaucoup investi sur la mise en place d’infrastructures numériques sans faire le bilan de leur fonctionnement. Le récent piratage de mai 2023 des sites web du Gouvernement (le domaine gouv.sn est géré par l’organisme gouvernemental SENUM ex-ADIE) et la cyber-attaque d’octobre 2022 du système d’informations de l’agence de régulation de télécommunications (ARTP) nous ont donné la preuve qu’il reste beaucoup à faire ou à refaire.
En parcourant « LE PROJET » dans son volet Cadre Normatif de l’Economie Numérique, il est heureux de constater que ces préoccupations de protection et de haute sécurité digitale sont énoncées et placées dans la priorité des écosystèmes à réaliser avec des acteurs nationaux. C’est dire que les nouvelles Autorités ont bien conscience des enjeux de la Souveraineté Numérique dans ce monde en perpétuel mouvement.
En effet, l’identité numérique et les transactions monétaires sont devenues des piliers importants de la sécurité nationale. Rien que pour sa politique de planification, un pays doit maîtriser sa démographie et la morphologie de sa population. Le dividende démographique est aujourd’hui au cœur des politiques publiques. Sur le plan sécuritaire, les fichiers de données personnelles sont devenus l’arme fatale des ennemis qui peuvent sortir là où l’on s’y attend le moins. La circulation des biens et des personnes est régie par des systèmes d’identification imbriqués et interopérables à des niveaux insoupçonnés par les gouvernants, si bien que la maîtrise des données informatiques et statistiques d’un pays est devenue un enjeu de sécurité nationale et de souveraineté économique dans les échanges de coopération inter-Etats.
Quelque soient les politiques adoptées et les précautions prises, un pays ne doit négliger aucun point de sa souveraineté numérique. Les cartes d’identité, les passeports, les permis de conduire, les cartes grises, les cartes de santé, les cartes d’embarquement, les cartes de séjour, les cartes bancaires et les plateformes de paiement mobile money véhiculent à longueur de journée des informations sensibles liées à des personnalités, à des institutions et à des entreprises. Pour le gouvernement, ces données ultrasensibles ne doivent pas s’échapper facilement de son contrôle. Le datacenter d’un Etat stratège doit contenir les traces de tous ces produits numérisés. C’est pourquoi, il est primordial que l’Etat soit équipé des meilleurs systèmes de production et de contrôle d’identité, de préférence développés intra-muros par un personnel local compétent et de haute probité. Heureusement que notre pays est bien doté en ressources humaines dans le secteur numérique. Les nouvelles Autorités ont alors tout intérêt à compter sur les compétences nationales pour développer et implanter notre souveraineté numérique.
Cependant, le Sénégal doit rester un pays ouvert, le recours à des partenaires étrangers pouvant se faire sans problème à condition d’insérer dans tous les contrats une obligation de transfert de technologie et de compétences par la formation des personnels locaux. Notre point faible est souvent la maintenance de nos équipements. L’apprentissage et la formation professionnelle constituent un levier fondamental pour relever ce défi, assurer la réussite des projets et garantir la pérennité des investissements de l’Etat.
L’industrie numérique est investie par les jeunes, tous passionnés de nouvelles technologies. Ils sont abonnés aux réseaux d’influence, à l’infographie et à la programmation web. Certains d’entre eux titillent même l’intelligence artificielle (IA) et en font leur gagne-pain. Le secteur tertiaire est donc capable de produire des milliers d’emplois. Des pays émergents comme l’Inde, la Malaisie et la Corée du Sud l’ont très tôt compris. La Chine, elle, s’est positionnée comme l’industrie du monde entier. Au Sénégal, en plus du numérique et des BTP, il y’a l’agriculture, l’élevage, la pêche et les usines de transformation qui sont aussi des secteurs à forte intensité de main d’œuvre. Les Autorités doivent aider le Secteur Privé National à s’orienter dans ces filières afin de créer ces milliers d’emplois dont la Nation a fortement besoin pour son équilibre social. Cela permettra d’éviter le tout import et d’améliorer notre balance commerciale.
Le Président de la République a reçu en audience les représentants des syndicats et ceux du secteur privé. Les populations attendent des mesures drastiques de redressement de l’économie nationale avec un renforcement de la production des biens de consommation et une baisse substantielle de denrées de première nécessité. L’Etat peut y arriver par une politique hardie de soutien aux entreprises nationales qui doivent remettre les gens au travail. Nos entrepreneurs et la société civile peuvent aider à enrayer le chômage endémique qui plombe le pays. Relancer l’économie par l’emploi des jeunes serait un bon début.
Fini les calculs politiciens, l’Etat doit allumer ses moteurs avec une gouvernance juste et modernisée.
Ahmadou Tidiane Wane
Ingénieur Polytechnicien – Génie informatique & Génie industriel
Senior Expert L2 Management Networks & Digital Security System
Ingénieur en Electronique, Electrotechnique, Automatique et Informatique Industrielle
(Source : Le Techobservateur, 26 juin 2024)