La volonté de transparence dans le management des affaires publiques est une expression de vœu, qui prépose à répondre aux exigences du temps et à être compris par le peuple à qui l’on s’adresse, pour l’édification d’une société d’initiatives et d’information à la faveur de la participation citoyenne, dans une démocratie de concordance et des rapports de confiance.

Mais sa manifestation passe par l’audace d’un numérique d’élite, pour une articulation digitale des services publics.

À ce titre, une cyberadministration, Système d’Information intégré, en un condensé de modules distribués selon les domaines d’activités stratégiques de l’Etat (portail), accessible à plusieurs utilisateurs, de manière collaborative, simultanée, et continue, est une nécessité des temps modernes. C’est tout bonnement un système central dont les ramifications sont consacrées par les services publics de l’Éducation, de la Santé, du Transport, du Commerce, de la Justice, etc.

On peut également parler de portail gouvernemental, vitrine d’inclusion et de l’accessibilité numérique de ressources informationnelles et transactionnelles en fonction des diverses dévolutions et compétences d’État.

En cela, une cyberadministration peut naître soit d’un raccordement de systèmes d’information isolés (sectoriels) en réalisant une liaison d’interfaces dynamiques par une couche applicative les connectant, soit de la refonte de systèmes éparpillés existants ça et là.

La deuxième option serait la plus indiquée, pour le Sénégal notamment, quant à la cohérence d’ensemble en ce qui concerne une source unique de données fiables, afin de réduire la marge de perte, d’erreurs et de faciliter la traçabilité des actes de gestion par le principe de leur non-répudiation, dans le temps et dans l’espace.

Par exemple, un citoyen, dûment déclaré à sa naissance, accède plus facilement aux actes juridiques et administratifs, aux titres de transport et profite aisément des services de l’éducation et de la santé, des commerces, entre autres ; le tout à travers une même identité numérique assujettie à son inscription originelle à l’état-civil.

L’on conviendra sans risque de se tromper que, pour n’importe quel citoyen, la base existentielle au bénéfice de lui-même et des services publics est son état-civil (identité).

Dans le cas du Sénégal, c’est surtout l’état-civil qui est la majeure contrainte à l’effectivité de la cyberadministration, malgré le Programme d’Appui à la Modernisation de l’état-civil (PAMEC, sous le Président Sall) enclenché depuis plusieurs années maintenant. Que dire du projet de Système administratif des formalités informatisées (SAFI, 2010) du Président Wade ?

Au demeurant, la mise en place d’une cyberadministration requiert la mobilisation de quatre (4) sous-systèmes du système État, à savoir le politico-institutionnel (pouvoir, décision et contrôle), l’ économique (financement, évaluation), le socioculturel (influences, mentalités) et le communautaire (engagements). Ils ont respectivement le rôle de vêtir une cyberadministration d’un cadre légal, d’un statut valorisant, d’une dimension éthique et des responsabilités conventionnelles, pour ainsi bâtir un climat de confiance à des fins de gestion publique satisfaisant aux attentes des gouvernés et partenaires.

Les ressources fournies par ces sous-systèmes sont de nature matérielle (technologies, infrastructures), immatérielle (applications, services, textes), financière (monnaie, environnement) et humaine (décideurs, managers, techniciens, etc.).

La planification d’une cyberadministration aura nécessité la fixation d’objectifs généraux (des tâches) et spécifiques (d’étapes) à atteindre dans le cadre d’un projet global, dont la documentation peut s’agrandir au fil des ans et ce au rythme des préoccupations/processus qu’il serait convenu d’enrôler. C’est dire qu’une cyberadministration a tout l’intérêt d’être agrégative et dynamique, d’une part pour se mouvoir au tempo des progrès digitaux et se hisser au diapason des aspirations tant soit peu irisées des sociétés et partenaires d’autre part.

En tout état de fait, une bonne étude de faisabilité et de profitabilité devra, à chaque séquence d’opérations techniques, faire appel à un échéancier et à une mesurabilité du retour sur investissement. Ce qui fait qu’il est forfaitaire, pour tout manager stratégique ou opérationnel, d’examiner, de l’intérieur comme de l’extérieur (diagnostic SWOT) de son périmètre d’intervention, les facteurs clés de succès favorables à l’exécution des tâches afférentes et ceux de blocage éventuels.

Par ailleurs, le management public par une cyberadministration postule pour l’orientation d’efficacité interne G-I (Government Internal), l’orientation de préoccupation citoyenne G2C (Government to Citizen), l’orientation axée sur le monde des affaires G2B (Government to Business), l’orientation vers les organisations du droit commun G2O (Government to Organizations) et l’orientation tournée vers l’étranger G2G (Government to Government).

Au Sénégal, l’articulation de la digitalisation dans les différents secteurs publics, notamment les services aux usagers, à assimiler comme des clients à fidéliser et l’Administration tel un prestataire en quête de satisfaction optimale de sa clientèle, doit procéder par le principe du guichet unique consistant à faire jouer au ministère en charge du numérique le même rôle que joue le ministère des finances et du budget pour tout l’appareil étatique.

Ainsi, une politique globale de digitalisation des services publics trouvera en ce ministère du numérique le trésor (centre de coordination) de collecte, de compilation, de priorisation, d’arbitrage de tous les projets (cf. budget-programme) d’une part, de sophistication et de distribution de tous les processus centralisés venant de toutes les structures de l’État d’autre part, pour éradiquer la lancinante question du fonctionnement en silos (S.I isolés) déconnectés.

Tous les démembrements de l’État, agissant pour le compte des citoyens (G2C), usagers en chef, sont appelés à coopérer et à collaborer solidairement et dynamiquement, quel que soit leur degré d’implication ou niveau de responsabilité.

Le ministère en charge du numérique agira en authentification, certification et labellisation des solutions numériques de l’Administration, après en avoir commandé la mise en place sur la base d’un circuit clair de validation, dans une démarche qualité incluant les retours d’expériences des utilisateurs, pour les besoins de mises-à-jour et de mesures correctives entre autres.

La SENUM S.A (production) pourra, de manière altruiste, dans l’efficacité et l’efficience, servir de gros-bras technique pour l’articulation ou la refonte, la conception, la modélisation, l’implémentation, la réalisation et le déploiement des services digitaux qualitatifs aux ayant-droits, appuyés en cela par l’évidente nécessité de mettre en place de Services d’Exploitation, de Formation et d’Accompagnement au Changement (SEFAC) qu’il conviendra de loger au sein de chaque entité publique. Ces SEFAC prouvent leur utilité en ce sens que les prouesses technologiques et progrès informatiques n’épargnent pas les services publics par l’avènement d’outils numériques qui deviennent de plus en plus des collaborateurs domestiques et professionnels (IoT, IA, etc.).

C’est dire que quand la technologie marche à pas de géant et que les communautés surfent d’instantanéité, l’Administration ne doit pas être au galop, avec tous les changements comportementaux que cela aura impliqué.

Étant donné que la dimension républicaine est fondamentale, avec toutes les valeurs qui y concourent, le seul bagage technique ne pourra suffir pour bâtir un arsenal numérique d’élite et d’État, en état d’agilité et de résilience.

Dès lors, le recrutement de ces SEFAC doit prioritairement se faire par la voie démocratique d’un concours, voire créer une section numérique à l’ENA, afin de préposer à l’Administration publique des ténors plus moulés dans la recherche du gain d’honneur qu’intéressés par du capitalisme (profit). C’est toute la mesure à prendre le numérique dans l’Administration comme une affaire d’État, pour le présent imposant et pour l’avenir pressant.

Il va exister énormément de techniciens, d’analystes-programmeurs, d’ingénieurs en études et implémentation, etc. formés à bonne adresse, dans un maillage digital de la carte universitaire et de la formation professionnelle, mais oser le numérique d’élite, pour une transformation profonde de l’Administration requiert en être façonné à la sensibilité des affaires d’État, avec toute la rigueur professionnelle et la déontologie qualifiante.

Le numérique est un marché juteux et les données sont tentantes dans une économie de la connaissance, c’est la raison pour laquelle il devient judicieux de se prémunir de toutes les qualités humaines et valeurs républicaines indissociables du caractère sacré du service public à la charge du contribuable.

Il n’y a plus à attendre pour se positionner dans un monde de gouvernance des données. L’information, c’est le pouvoir : agir et non réagir.

Au demeure, sur toute la chaîne et dans la transversalité des usages et usagers, un observatoire national du numérique pourra se charger de superviser juridiquement, de diagnostiquer techniquement, de recommander dans l’éthique et d’impulser, à tous les niveaux, des instruments de sensibilisation, de dissuasion et d’aide à la décision selon la nature ou le caractère des faits ou actes de gestion publique tangiblement constatés.

Par dessus tout, le premier chantier à réussir est celui d’un État-civil structuré, fiable et articulé, car tous les autres aspects de la vie ne sont que ses ramifications (G-I, G2B, G2O, G2G).

Papa DIOP, certified.

Computer science Professor

Change Manager in Digital Innovation Strategies

Information Systems & Security

(Source : Le Techobservateur, 14 avril 2024)

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