Le rapport souligne que l’instauration de taxes sur les services de mobile money représente une source de recettes fiscales supplémentaires pour les gouvernements, mais impacte négativement les ménages les plus pauvres lorsqu’elle n’exclut pas les transactions de détail de faible valeur.
Selon un rapport publié le 25 juillet dernier par l’Institute of Development Studies, un thnik tank rattaché à l’Université du Sussex (Royaume-Uni), les impacts négatifs de la taxation du mobile money en Afrique seraient acceptables si elle épargnait les ménages les plus pauvres en exonérant les plus petites transactions.
Intitulé « Taxing Mobile Money in Africa : Risk and Reward », le rapport précise que les services financiers numériques (SFN), dont notamment l’argent mobile, connaissent un succès fulgurant sur le continent, en raison notamment de leur accessibilité et de leur abordabilité par rapport aux services financiers traditionnels.
Les gouvernements encouragent l’adoption de ces services pour booster le développement économique, augmenter l’inclusion financière et améliorer l’efficacité de l’administration.
Les SFN constituent également une nouvelle source de recettes fiscales pour les Etats. Actuellement, 15 pays africains, taxent de différentes manières les services de mobile money : le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la Centrafrique, la RDC, le Tchad, la République du Congo, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Kenya, le Nigeria, la Tanzanie, l’Ouganda, la Zambie et le Zimbabwe.
Les systèmes de taxation du secteur varient d’un pays à l’autre en termes d’assiette fiscale, de types de transactions taxées, et d’exonérations. Ainsi, la base d’imposition pourrait être la valeur des transactions réalisées par les utilisateurs, les frais facturés par les fournisseurs de services ou encore le chiffre d’affaires des opérateurs de téléphonie mobile. À l’exception de la Tanzanie, où les retraits à partir de portefeuilles mobiles (cash out) sont soumis à trois taxes différentes, le taux effectif de taxation se situe généralement à moins de 1 % du montant de la transaction.
En Afrique comme ailleurs, les recettes fiscales provenant de la taxation de l’argent mobile sont modestes, mais non négligeables. Elles représentent en moyenne environ 1 % du total des recettes fiscales.
En Ouganda par exemple, la taxation du mobile money qui a été introduite en 2018 a par exemple généré un peu moins de 50 millions de dollars durant l’exercice budgétaire 2022/2023. Le Zimbabwe, où les recettes des taxes appliquées au secteur du mobile money a représentaient 9,3% de l’ensemble des recettes fiscales mobilisées par l’Etat en 2022, constitue un cas à part.
Protéger les ménages à faible revenu
Le rapport indique d’autre part que les effets de la taxation du mobile money sur la croissance de ce marché sont peu significatifs sur le moyen et le long terme. Les progressions des volumes et des valeurs des transactions financières réalisées via le téléphone mobile ont souvent tendance à revenir aux niveaux antérieurs à l’instauration des taxes dans un laps de temps relativement court. Cela rend insignifiantes les conséquences de la taxation sur le taux global d’adoption du service ainsi que sur l’inclusion financière.
Au Ghana par exemple, l’introduction de la taxe électronique de 1,5 % sur les transferts, les paiements, les retraits d’argent réalisés via les comptes d’argent mobile en mai 2022 a été suivie d’une baisse modérée de l’utilisation des différents services de mobile money actifs dans le pays par les consommateurs. L’utilisation de ces services a reculé de 5,2 % en volume et de 18,6 % en valeur entre mai et juin de la même année. Mais le marché a renoué avec la croissance dès le mois de juillet, récupérant en l’espace de quelques mois la valeur globale des transactions antérieure à l’instauration de cette taxe baptisée « e-levy ».
Les données montrent cependant que la réduction du volume et de la valeur des transactions qui suit l’instauration de taxes sur les services de mobile money est particulièrement prononcée parmi les ménages les plus pauvres, surtout lorsque ces taxes sont appliquées sans discernement aux transactions de détail de faible valeur. Ces ménages sont, en effet, très sensibles aux coûts des transactions, de sorte qu’une augmentation même marginale des frais associés à l’utilisation des services d’agent mobile pourrait les rendre inabordables.
Pour limiter les effets néfastes de la taxation sur les ménages à faible revenu, l’Institute of Development Studies recommande aux autorités fiscales africaines de suivre l’exemple du Ghana, qui combine désormais une exonération fiscale des transactions de faible valeur avec une mesure de partage des frais liées à ces petites opérations de détail par le biais d’un accord avec les opérateurs de téléphonie mobile.
Isaac K. Kassouwi
(Source : Agence Ecofin, 30 aout 2024)