L’opérateur Moov Afrique Togo est une nouvelle fois sanctionné par le régulateur, pour récidive d’indisponibilité de services. Mais avant, MAT a été invité à s’expliquer et à se défendre, lors d’une audition publique au siège de l’ARCEP, mercredi 24 juillet. A cette séance, le régulateur a, lui aussi, exposé les griefs portés contre l’opérateur. Le Comité de direction de l’ARCEP a désormais tranché et rendu public sa décision.
Déjà sanctionné en 2021 pour les mêmes causes d’indisponibilité de services, Moov Africa Togo (MAT) est de nouveau amendé pour récidive. A l’issue de l’audition du 24 juillet, l’opérateur écope d’une amende financière de 1.260.378.382 FCFA. Ce qui correspond à 2% de son chiffre d’affaires certifié, exercice 2023. Il est reproché à MAT de n’avoir pas assuré la disponibilité de ses services, conformément à son cahier de charges. L’obligation lui était faite d’assurer la disponibilité permanente, continue et régulière de ses services de communications électroniques.
Après avoir écopé d’une sanction de près de 600 millions de francs CFA en mai 2021, représentant 1% de son chiffre d’Affaire de l’exercice 2020 ; MAT n’a malheureusement pas amélioré la disponibilité de ses services, regrette l’Autorité de régulation et des communications électroniques (ARCEP). « Les manquements couvrent tout le territoire, mais à divers degrés. La plupart des indisponibilités sont notées dans les régions des Savanes, Kara et Centrale », a expliqué Ouro-Agoro Kadiri, Directeur juridique et de la protection des consommateurs ; rapporteur de la procédure de sanction. Pour ces raisons, Moov Africa Togo risquait une sanction pouvant aller jusqu’à 4% de son chiffre d’affaires 2023, conformément aux dispositions réglementaires. Le Comité de direction de l’ARCEP a finalement eu la main moins lourde, en prononçant une sanction à hauteur de 2%.
MAT, convainquant mais pas rassurant !
Après l’exposition des faits, l’historique des diverses étapes de la procédure et les recommandations du rapport d’instruction, lors de l’audition, l’ARCEP et l’opérateur se sont exprimés. Pour sa défense, Moov Africa Togo a évoqué sa bonne volonté à investir pour améliorer la disponibilité de ses services. El Younes Bedraoui, Directeur général de MAT a particulièrement mis en avant son engagement à aller dans le sens des exigences du régulateur, mais surtout à respecter le cahier des charges pour offrir une meilleure expérience utilisateur à ses abonnées. Le DG de MAT a évoqué les actions déjà engagées dans le sens de cette amélioration, depuis sa récente prise de fonction.
Investissements dans l’énergie, construction d’un backbone pour la redondance, démarche auprès du régulateur pour s’approprier davantage les indicateurs des seuils de performance, la location d’infrastructures…MAT dit s’investir pour l’amélioration de la disponibilité des services. Selon son Directeur général, le projet de backbone, en construction, est un investissement de 6 milliards dans lequel s’est engagé MAT depuis mars ; et les travaux ont avancé de 60%. Younes El Bedraoui a ajouté qu’en 2022, l’opérateur a investi 17% de son chiffre d’affaires dans l’amélioration de la sécurité et la disponibilité de services. Devant le Comité de direction de l’ARCEP, MAT a évoqué des facteurs qu’il a jugés externes et qui, selon lui, constituent des circonstances atténuantes. Il s’agit par exemple de la récente crise énergétique qui aurait freiné l’impact de ses investissements ; les actes de vandalisme ou la détérioration de ses infrastructures lors de travaux publics… Pour finir, Moov Africa Togo a rassuré de s’être engagé dans une nouvelle dynamique. Ce qui l’a amené a demandé une nouvelle clémence, une sorte de ‘’sursis” jusqu’en octobre pour prouver sa bonne foi.
Agir en attendant
Face à la volonté affichée de la nouvelle direction à faire évoluer la situation, l’ARCEP a préféré rester prudente, tout en tirant les leçons de la procédure ouverte depuis deux ans. Pour cela, le Directeur général de l’ARCEP a invité le Comité de direction à agir. « La patience, ce n’est pas d’attendre que les choses s’améliorent, mais d’agir en attendant qu’elles s’améliorent », a-t-il déclaré, en faisant appel au dicton populaire. Pour lui, le Comité de direction doit « sanctionner MAT à hauteur de la gravité des torts tant socio-économiques que sécuritaires causés aux consommateurs. » En effet, de septembre 2022 au 31 mai 2024, 7247 cas de violations des indicateurs ont été notés, avec des impacts sur des milliers d’abonnés. Le Comité de direction a donc suivi la réquisition de la direction générale de l’ARCEP.
Selon l’Autorité de régulation, les différents éléments évoqués par l’opérateur ne sauraient être des cas de force majeure, seules excuses prévues par la loi. Le régulateur a démontré, sur la base de données et d’analyses comparatives du marché, que l’opérateur avait des alternatives. En outre, pour l’ARCEP, l’indisponibilité des services, objet de la procédure de sanction contre l’opérateur, n’est pas intervenue avec la crise énergétique connue en début d’année. En ce qui concerne la dégradation des infrastructures, le gendarme des télécoms a rappelé qu’il était possible pour Moov Africa Togo de prendre des mesures pour assurer la redondance de son réseau. L’indisponibilité des services n’est pas une fatalité au Togo, a martelé Michel Yaovi Galley, Directeur général de l’ARCEP. Il a démontré, avec des données à l’appui, que dans les mêmes conditions, les services du concurrent de MAT n’ont pas connu d’interruption.
Mesures dissuasives
Le régulateur a insisté sur le fait que cette procédure a été ouverte depuis deux ans, et qu’il s’agit d’une récidive. L’ARCEP a particulièrement regretté la dégradation de la situation, malgré le temps accordé à MAT pour corriger les manquements et se conformer aux exigences de disponibilité. En effet, la première sanction de MAT est intervenue en 2021, à l’issue « de constat de cas significatifs, récurrents et durables d’indisponibilité de ses réseaux et services, de juin 2020 à avril 2021, dans de très nombreuses localités, causant ainsi de graves préjudices et désagréments à des centaines de milliers de consommateurs. »
Selon le rapport d’instruction, l’indisponibilité de services de Moov Africa Togo a quelques fois laissée des régions entières sans services. Ce, durant plusieurs jours dans certaines localités. Ce que regrette le régulateur. « L’objectif de la sanction est de pousser l’opérateur à prendre les dispositions pour corriger les manquements. Ce sont les actions qui vont suivre au niveau de l’opérateur pour éviter les désagréments aux consommateurs », a rappelé le Directeur juridique et de la protection des consommateurs, Ouro-Agoro Kadiri. L’opérateur a été enjoint de mettre fin aux indisponibilités de services, dans un délai de six (6) mois ferme, sous peine d’autres sanctions prévues par le cadre légal et réglementaire. Moov Africa Togo doit s’en acquitter dans un délai de 30 jours calendaires, sous peine d’une astreinte de 50 millions de francs CFA par jour de retard.
Souleyman Tobias
(Source : CIO Mag, 29 juillet 2024)