En marge du GSMA qui se tient à Barcelone, le Directeur général de l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (Artp) du Sénégal s’est prêté aux questions de CIO MAG. Abdou Karim Sall est revenu sur les sujets brûlants de l’heure. Des projets phares de l’Artp à la 5G en passant par les coupures d’internet notées récemment, il répond sans détours.

Monsieur le Directeur, pouvez-vous revenir sur les priorités de l’heure à l’Artp ?

J’ai la chance d’avoir été nommé deux fois à la tête de l’Artp. Dès ma nomination, j’ai jugé nécessaire de dégager les grandes priorités pour nous mettre tous au travail. Nous en avons décliné dix et il fallait y aller très vite pour pouvoir les réaliser au cours de l’année 2023. La première, c’est l’arrivée de la 5G. L’objectif était d’avoir la 5G au Sénégal dès la fin du mois de juillet. Cette technologie est très importante pour booster l’économie. Nous avons lancé un appel à candidatures. Dans un premier temps, l’opérateur historique Sonatel a proposé 34 milliards de FCFA. Récemment, nous avons eu un accord avec l’opérateur Free. Les deux opérateurs vont bientôt démarrer le déploiement. Il est heureux de constater que le Sénégal est l’un des premiers pays dans l’espace CEDEAO et même au niveau africain à déployer la 5G. Nous sommes ici au GSMA à Barcelone, les choses évoluent très vite. On n’a pas fini de parler de la 5G qu’on commence déjà à parler de la 5.5G et de la 6G. Il faut aller vite. Donc, c’est heureux de constater que nous avons bouclé ce processus avant la fin de l’année. L’autre priorité, c’est le roaming national qui est une innovation.

Quid du roaming régional ?

Dans la sous-région, nous sommes les précurseurs du FREE ROAMING national qui est gratuit à la réception. Les opérateurs ont bien voulu nous accompagner. Ces initiatives entrent dans la volonté du président Macky Sall d’accéder à une connectivité universelle. Ce qui passe nécessairement par la possibilité pour un client, quelle que soit sa position, de se connecter au réseau. Aujourd’hui, nous avons le One Area Network. Les choses se poursuivent et les premières évaluations seront faites très bientôt. D’autres pays nous ont contactés pour s’inspirer de notre modèle en termes de roaming national.

Vous récemment subi une attaques informatique. Avez-vous pris des mesures pour y remédier ?

C’est un volet important dans nos priorités avec notamment la certification à la norme ISO 27001qui pour assurer la sécurité informatique. Effectivement, l’Artp a subi, il y a quelques années, une situation assez difficile avec des attaques informatiques virulentes. Il nous faut donc renforcer la sécurité de nos réseaux. Nous y travaillons. Le processus a démarré en 2023. Nous sommes à 85% de mise en œuvre. D’ici le mois de juin, nous allons boucler ce processus.

Le contrôle des flux financiers est une priorité pour l’Artp. Pourriez-vous expliquer plus en détail comment s’article ce projet dans vos priorités ?

Le contrôle des flux financiers est effectivement une vraie priorité. Nous avons un projet très important avec le Ministère des finances. Nous travaillons dans ce qu’on appelle le déclaratif en mettant en place des mesures en temps réel de tous les flux, qu’ils soient financiers ou de communication pour la voix et la donnée. Ceci permettrait à l’État d’avoir les chiffres nets sur le paiement des impôts, de la perception…C’est la raison pour laquelle nous avons lancé un appel à manifestation d’intérêt qui nous a permis de sélectionner un prestataire qui va nous aider à travailler dans trois modules : Le module de gestion des flux. Le module DPI qui permet une vision beaucoup plus étendue sur les communications aux données. Le dernier module concerne la gestion des terminaux Quand on parle de qualité de service, généralement ce sont les opérateurs qui sont indexés. Mais la qualité de service est un tout. Il faut un terminal adapté et homologué pour une communication saine. Donc, il y aura d’abord un toilettage des terminaux qui vont arriver sur le marché sénégalais. L’autre aspect, c’est le vol des terminaux. Le dispositif permettra à tous les Sénégalais de bloquer un terminal et de le tracer. L’autre objectif, c’est la qualité de service que nous suivons au quotidien. Nous avons des outils qui permettent le contrôle à tout moment. Des sanctions ont été faites et converties en investissements.

Quand on parle de qualité de service, ce sont généralement les opérateurs qui sont indexés. Mais la qualité de service est un tout. Il faut disposer d’un terminal adapté et homologué pour une communication saine.

Ces objectifs ont-ils été atteints ?

Ce sont les objectifs que nous nous sommes fixés en 2023 et nous les avons atteints à 98 %. Pour l’avenir, nous avons fixé dix nouveaux objectifs qui seront présentés au collège.

Pour être complet dans nos prirotiés, nous ne pouvons pas occulter le secteur postal et les MVNO. Au Sénégal, vous savez, nous avons un MVNO qui a une part de marché de près de deux millions de clients. C’est SIRIUS avec la marque Promobile. Il faut l’aider à avoir un espace économique viable. Il a d’ailleurs récemment obtenu une extension de sa licence vers un statut de FULL MVNO. Le secteur postal est également très important, surtout avec le développement du commerce électronique. Nous travaillons d’abord sur l’assainissement du secteur pour savoir qui fait quoi.

Le ONE AREA NETWORK est effectif. Le Sénégal a-t-il des ambitions de le déployer avec d’autres pays ?

J’ai été le coordonnateur du FREE ROAMING. J’ai rencontré tous les régulateurs de la CEDEAO. Nous avons réfléchi à un dispositif pour faire le roaming avec la possibilité d’avoir la réception gratuite. C’est effectif vers le Sénégal pour le Mali, la Mauritanie et la Côte d’Ivoire. Le Sénégal l’avait bien piloté à l’époque. C’est ce qui nous a poussés à le faire et nous allons continuer avec nos partenaires.

Récemment, des coupures de l’internet des données mobiles ont été décidées par les autorités, au grand dam des consommateurs. Quelle lecture en faites-vous ?

Le Sénégal a vécu des troubles qu’il n’avait pas connus ces dernières années. Nous avons estimé que ce qui se passait sur les réseaux sociaux était inadmissible. La violence avait pris des proportions inquiétantes. Le ministre avait demandé aux opérateurs d’arrêter les données mobiles. Mais ce ne sont pas des coupures générales. Seules les données mobiles étaient coupées. Il fallait le faire pour mettre de l’ordre. Nous estimons que tout cela est derrière nous. C’était un épisode difficile que nous avons vécu.

Le coût de la licence 5G parait très onéreux, est-ce que cela ne va pas impacter sur le coût des opérateurs ?

Si vous faites un benchmarking, vous constatez que nous avons fait en sorte que les prix soient à la portée des trois opérateurs. FREE a proposé 13 milliards avec moins de fréquences, tandis que Sonatel a proposé 34 milliards de FCFA. Le déploiement est prévu pour 2024. FREE va recevoir sa notification prochainement. Donc, nous pensons que l’écosystème devrait en profiter.

Propos recueillis par Mohamadou Diallo à Barcelone avec l’assistance de OF

(Source : CIO Mag, 29 février 2024)

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