Il s’est tenu un séminaire de haut niveau, à La Haye, au Pays-Bas, les 1er et 2 février 2024. Ce séminaire organisé par l’Union internationale des Avocats – UIA, en collaboration avec l’Association du Barreau près la Cour Pénale Internationale et The Association of Defence Counsel practising before the International Courts ans Tribunals – ADC-ICT, a connu la participation des Avocats et juristes venus des quatre coins du monde, le Président de la Cour Pénale Internationale, la Procureur adjoint de la Cour Pénale Internationale ainsi que bien d’autres personnalités. Ces travaux ont eu pour principal thème : « Les liens entre le droit pénal international et les autres domaines du droit ». Maître Prosper NTETIKA MBAKATA, Avocat au Barreau de Kinshasa/Gombe, Spécialiste en Droit du numérique et Conseiller juridique du Ministre du Numérique de la République Démocratique du Congo est intervenu dans le cadre du panel pluridisciplinaire ayant abordé la question du droit pénal international face à la cybercriminalité.
Le Procureur de la Cour Pénale Internationale a déclaré il y a peu que son Bureau envisageait la poursuite des faits de cybercriminalité en vertu des dispositions du Statut de Rome en considérant que certains cybercrimes, en raison de leur impact, sont susceptibles d’être constitutifs de crimes réprimés par le Statut de Rome. Ainsi, le Bureau du Procureur de la CPI envisage une large discussion avec les différents acteurs sur cette question en vue d’aboutir à un document de politique et d’orientation sur cette question.
Cette perspective de répression internationale de la cybercriminalité est l’occasion de dresser les enjeux et défis qui s’y posent du point de vue de l’Afrique. Ces enjeux et défis résident tant dans l’appropriation de la question de la cybercriminalité que dans la mise en œuvre des mécanismes de répression au sein des États africains.
1- Répression par les textes et la technologie : les impératifs liés à la cybercriminalité
La question centrale de la répression de la cybercriminalité en Afrique demeure notamment celle relative à des instruments juridiques de répression. La Convention de l’Union africaine sur la cybersécurité et la protection des données à caractère personnel – Convention de Malabo, vient de franchir le cap de l’entrée en vigueur avec sa ratification par la Mauritanie qui en devient le quinzième État.
Il a fallu près de 10 ans pour que cet instrument africain réunisse les conditions de son entrée en vigueur. L’accélération de ces processus ces dernières années révèlent l’urgence d’une approche globale, continentale sur la transformation digitale des pays africains et de la nécessité de la définition de standards minimum à travers un instrument de droit international applicable aux États du continent.
Il convient de noter que quelques pays africains sont partis à la Convention du Conseil de l’Europe sur la cybercriminalité – Convention de Budapest ainsi que ses Protocoles additionnels. De même qu’il existe à plus de 70 % au sein des États africains, des lois nationales de répression de la cybercriminalité et/ou de protection des données à caractère personnel.
Par ailleurs, la répression nécessite, au-delà des moyens juridiques, des moyens technologiques et des cadres de gouvernance appropriés. Il s’agit des cadres institutionnels de cybersécurité et de répression de la cybercriminalité. La mise en place de ces cadres est importante au regard des règles de coopération et de partage d’informations qui doivent s’opérer entre les États africains ainsi qu’il résulte d’ailleurs de la Convention de Malabo.
2- Répression internationale de la cybercriminalité : vers une internationalisation des valeurs du droit pénal dans le cyberespace ?
« Les lignes de front ne sont plus seulement physiques : les lignes de front numériques peuvent engendrer des dommages et des souffrances comparables à ceux que les fondateurs de la CPI cherchaient à prévenir » a déclaré le Procureur de la CPI.
Il est vrai que les actions que mène la Cour Pénale Internationale s’effectuent dans le cadre du Statut de Rome et qu’à ce titre, l’action répressive de la CPI est soutenue par le principe de complémentarité vis-à-vis des États parties au Statut de Rome.
De même, du point de vue du droit objectif, il y a lieu d’examiner les instruments en présence par rapport à la cybercriminalité dont la complexité n’est pas à démontrer mais également qui nécessite une définition précise au sein des instruments qui la répriment. La question centrale étant de savoir si le droit conçu pour le monde physique peut s’appliquer à des questions technologiques comme la cybercriminalité.
La mise en place annoncée d’un cadre d’échange multi-acteurs est une occasion d’aborder toutes ces contraintes et préalables.
Conclusion
La cybersécurité est consubstantielle à toute transformation numérique. Les impératifs de protection dans le cyberespace se posent aux États au même titre que les différents défis du monde physique.
L’Afrique, terre de croissance démographique, économique et technologique, a un important rôle à jouer. L’intégration amorcée dans le cadre de la Convention de Malabo doit mener les États à plus d’actions concrètes et à une véritable coopération afin de permettre au continent à travers les différents pays de tirer les mérites de la technologie dans la marche du développement et de la croissance.
Maître Prosper NTETIKA MBAKATA, depuis La Haye, Pays-Bas
(Source : CIO Mag, 5 février 2024)