Au Sénégal, le mobile money, ou paiements mobiles, fait partie de la vie quotidienne des gens. Mais il est aussi devenu un outil pour de nouvelles formes de délinquance et de nouvelles arnaques. Illustrations avec une victime et la division spéciale de cybersécurité de la police nationale chargée de lutter contre ce fléau.
Wave, Orange money… Le mobile money fait partie de la vie quotidienne des au Sénégal : paiements, envois d’argent, ces portefeuilles virtuels facilitent la vie, mais ont aussi créé de nouvelles formes de délinquance et de nouvelles arnaques.
Une de celles les plus en vogue est celle dite des « factures impayées ». Les escrocs jouent sur le stress de leurs interlocuteurs. Madame Fall et sa femme de ménage en ont été par exemple victimes.
« On a appelé sur le fixe de mon téléphone, avec mon aide-ménagère à la maison, raconte Madame Fall. Elle a décroché et n’a pas eu le réflexe de demander qui c’était. La personne au bout du fil s’est présentée comme un agent de la Senelec [la Société nationale d’électricité du Sénégal, NDLR], et que sa patronne, moi en l’occurrence, avait des arriérés de factures d’un montant très élevé, et que j’avais donné instructions qu’elle puisse aller dans mon armoire parce qu’il y aurait de l’argent, de bien chercher, et de le leur remettre pour qu’ils puissent régler la facture avant qu’ils ne procèdent à la coupure. Malheureusement, j’avais laissé de l’argent dans mon armoire, donc c’est comme ça qu’elle est partie faire les dépôts Orange money avec mon argent ».
Elle poursuit : « Elle a fait trois dépôts, pour un montant global d’1,3 million de (francs CFA) environ. Ils lui ont bien notifié de ne pas faire les trois envois dans le même endroit. Dès qu’elle m’a informée, je suis aussitôt partie dans un des points Orange money pour vérifier. L’argent avait déjà été retiré depuis belle lurette. Donc, le lendemain, très tôt, accompagnée d’elle, nous sommes parties à la division de la cybercriminalité pour porter plainte contre X. »
« Avec un peu de sensibilisation, ce sont des infractions qui auraient pu être évitées »
Cette division spéciale de cybersécurité de la police nationale est chargée de lutter contre ce fléau, entre autres. Les enquêteurs ont vu les pratiques des criminels évoluer et doivent aussi s’adapter.
Dans les locaux de la police nationale, cette division est aujourd’hui l’un des services les plus sollicités. À sa création en 2017, elle recevait un peu plus de 200 plaintes annuelles, dont environ un tiers concernant des escroqueries au mobile money. En 2022, il y a eu plus de 1000 plaintes de ce type.
Les enquêteurs ont vu l’ingéniosité des escrocs exploser. Le commissaire Aly Kandé, à la tête de la division, explique : « Il y a d’autres types d’escroqueries où on te fait miroiter un investissement : si tu paies ça, on te livre ça et tu vas pouvoir te faire une marge de 100 – 200 %. »
Il y a toujours un aspect psychologique pour faire céder la victime. La sensibilisation est primordiale, décrypte Aly Kandé : « Par exemple, des jeux où on t’appelle pour te dire que tu as gagné des frigos, ou autres, tu n’as jamais joué à quoi que ce soit et du jour au lendemain, on t’appelle pour te dire que tu as gagné des voitures, qu’il te faut payer tel [montant] pour récupérer le véhicule. Avec un peu de sensibilisation, normalement, ce sont des infractions qui auraient pu être évitées. »
Le premier outil pour les policiers, ce sont les numéros de téléphone utilisés par les escrocs pour recevoir l’argent. Aïta Diallo, enquêtrice, souligne : « Un crime n’est jamais parfait. Nous avons des numéros de téléphone. Je travaille avec beaucoup d’opérateurs téléphoniques, on envoie les réquisitions et grâce à la collaboration de ces opérateurs, on arrive vraiment à les interpeller. »
Les peines peuvent aller jusqu’à deux ans de prison ferme.
Juliette Dubois
(Source : RFI, 30 octobre 2023)