Wack Ndiaye a fait une bonne partie de sa carrière d’ingénieur informaticien en France. Diplômé de l’Université Vincennes Saint-Denis (Paris 8), l’ancien pensionnaire du Lycée Lamine Gueye, originaire de Mbacké, ville du centre-ouest du Sénégal, a servi, tour à tour, à Renault, IBM, Capgemini, Carrefour France, entre autres, avant de signer son cahier de retour au pays natal.
La transformation digitale occupe une bonne partie de ses fonctions au sein de l’ex-ADIE. Ses publications toujours fouillées, exigeantes et peu complaisantes, interrogent la place de la technologie dans nos sociétés évoluées : la 5G, les nanotechnologies, le Cloud, l’identité numérique, l’état civil… Dans la présente contribution, il questionne le système de parrainage actuel, appelant vivement à la consolidation des données au sein d’un fichier d’état civil unique et fiable, associé à un fichier national biométrique et un système d’identification numérique unique, le tout encapsulait sur un système d’authentification forte à double facteurs pour instaurer définitivement la crédibilité du processus et accroître la transparence.
Le système de parrainage au Sénégal, conçu pour renforcer la crédibilité des candidatures, suscite des préoccupations légitimes. Les candidats estiment que le fichier Excel qui leur est fourni par la Direction Générale des Elections (DGE), en corrélation avec le fichier national des électeurs pour juger de la validité de leurs candidatures par le Conseil constitutionnel, compromet sérieusement la fiabilité du processus du parrainage, remettant en question l’intégrité du système. En conséquence, les candidats recalés expriment leur mécontentement en mettant en lumière plusieurs cas de fraude potentiels.
S’il est indéniable que les préoccupations soulevées par les candidats pourraient être fondées, il faut reconnaitre que les erreurs peuvent venir de la DGE qui a conçu le fichier Excel, du candidat qui le repli par saisi ou du Conseil constitutionnel chargé de faire sa corrélation avec le fichier national des élections pour valider ou invalider les candidatures.
En effet, la saisine des parrains dans le fichier Excel est un procédé qui expose les données collectées à des risques potentiels d’altération, de falsification et de duplication par des tiers à tous les niveaux, compromettant ainsi la sécurité du processus d’enrôlement. C’est un vrai facteur d’erreur car les candidats peuvent ne pas saisir correctement les données de leurs parrains, commettant des fautes de frappes, des doublons, par exemple…. Ce qui pourrait expliquer les candidats ou électeurs introuvables dans le fichier national des électeurs.
En prélude à cette problématique, le tirage au sort des candidats soulève des inquiétudes quant à l’équité du processus de sélection. Ce qui parait légitime parce que le système crée une dynamique où la chance semble prévaloir sur des critères objectifs, remettant donc en question l’équité de la sélection des candidats.
Par ailleurs, plusieurs entités publiques et privées (Opérateurs de Télécoms et de Télépaiement, Banques, Organisations, Associations, Structures de Santé et autres Administrations, Autoroutes à péage…) détenant les cartes d’identité nationale augmentent la vulnérabilité du système. Les candidats futés peuvent exploiter ces sources d’information pour enrôler des citoyens sans leur consentement, ou inexistants dans le fichier national des électeurs, exposant ainsi la transparence dans le système de parrainage et l’intégrité du dispositif électoral.
En sus, l’obtention de la carte d’identité nationale ne garantissant pas automatiquement l’inscription sur le fichier national des élections, cette déconnexion augmente le risque que des électeurs enrôlés dans les fichiers Excel ne soient pas retrouvés dans le fichier national des électeurs, soulignant ainsi la nécessité d’harmoniser et de mutualiser ces deux processus distincts.
En outre, le fait de mettre en correspondance les données du fichier Excel de la Clé USB avec celles du fichier national des élections, notamment les dates d’expiration des cartes d’électeur, pour déterminer la validité ou non du parrainage d’un candidat, semble très léger.
En somme, il est dommage de constater l’existence de plusieurs possibilités de fraude dans le système de parrainage actuel en raison des lacunes dans la vérification des parrains, de l’accès à diverses sources d’information sur les cartes d’identité…, ouvrant la porte à des possibles manipulations frauduleuses compromettant la fiabilité du système de parrainage.
Au vu de ce qui précède, l’impact de ces interrogations sur la crédibilité du processus électoral semble très significatif. En conséquence, le processus d’enrôlement des électeurs par la DGE reposant sur un simple fichier Excel attribué aux candidats expose les données collectées à des risques d’erreurs de manipulations, de falsification et de duplication, rendant le processus de parrainage vulnérable eu égard à la possibilité de fraude émanant de l’accès à diverses sources de données.
Au finish, toutes ces interrogations soulèvent des inquiétudes réelles sur la fiabilité du processus de vérification, entamant ainsi la sécurité globale du processus d’enrôlement et la confiance dans le système de parrainage.
Pour sortir dans cette profonde perplexité, une approche immédiate du Conseil Constitutionnel pourrait consister à effectuer des sondages par la vérification physique des parrainages, appelant directement les électeurs pour vérifier la véracité de leur accord et de leur enrôlement dans les fichiers des parrainages, en attendant une amélioration du processus de vérification par l’ajout de la signature électronique.
Par contre, pour trouver des solutions définitives à ces lancinantes questions, une modernisation urgente du système de parrainage est nécessaire. L’introduction de la signatures électronique, de méthodes de collecte et de vérification plus sécurisées, ainsi que la consolidation des données au sein d’un fichier d’état civil unique et fiable, associé à un fichier national biométrique et un système d’identification numérique unique, le tout encapsulé sur un système d’authentification forte à double facteurs, est la solution idéale pour restaurer la crédibilité du processus et en accroître la transparence.
Ainsi, chaque parrain serait associé à une identité numérique (identités légales et personnelles, faits d’état civil, données biographiques et biométriques, code d’identification…). Ce qui permettra d’éliminer les vulnérabilités et assurer, de manière fiable, la preuve de l’identité réelle du parrain lors de la comparaison avec le fichier national des élections, renforçant ainsi la sécurité et la fiabilité du processus de parrainage.
De surcroît, des plateformes numériques dédiées pourraient être mises en place pour faciliter la collecte des parrainages. Les candidats pourraient utiliser des sites web ou des applications mobiles pour recueillir et gérer les soutiens nécessaires. Ensuite, des technologies numériques, à savoir la vérification biométrique, pourraient être intégrées pour authentifier électroniquement les signatures des parrains, minimisant ainsi les risques de fausses informations ou de fraude. L’utilisation de la blockchain peut garantir la transparence et la traçabilité du processus de collecte des parrainages. Chaque étape, de la collecte à la vérification, pourrait être enregistrée de manière immuable sur la blockchain.
Aussi, des mesures de sécurité numérique, telles que le chiffrement des données, peuvent être mises en place pour assurer la confidentialité des informations des parrains tout en empêchant toute manipulation non autorisée. L’automatisation des processus liés à la collecte et à la vérification des parrainages peut accélérer le traitement global et minimiser les erreurs humaines. Des efforts pourraient aussi être déployés pour garantir l’inclusion numérique, permettant à un plus grand nombre de personnes de participer au processus de parrainage via des canaux accessibles. L’intelligence artificielle et l’analyse de données peuvent être utilisées pour détecter les schémas suspects, aidant à prévenir la fraude ou la manipulation du processus de parrainage.
La conception d’applications mobiles conviviales pour permettre aux citoyens de parrainer des candidats directement depuis leurs smartphones, pourrait améliorer l’accessibilité. Les candidats peuvent utiliser des outils de communication électronique pour informer les parrains du processus, des exigences et des étapes suivantes, facilitant ainsi un échange transparent d’informations.
Enfin, il est important aussi d’offrir des sessions de formation en ligne pour les candidats et les parrains, expliquant les détails du processus numérique et assurant une compréhension adéquate de toutes les étapes.
Ainsi, en adoptant ces solutions numériques, le processus de parrainage pourrait devenir plus efficace, transparent et accessible, tout en réduisant les risques potentiels associés à la collecte manuelle des signatures. Cependant, il est essentiel de mettre en place des mesures de sécurité et de prévoir des solutions pour garantir l’intégrité du processus.
Cependant, des défis significatifs subsistent pour arriver à cette fin. La stratégie nationale de l’identité numérique dormante depuis plus de 3 ans, avec des ambassadeurs ne mentionnant le sujet qu’à l’approche du forum international annuel et celle de l’état civil où on ressent une certaine préoccupation quant à l’évolution du projet. Notre expérience nous permet de souligner l’importance de rester vigilant et de suivre de près l’avancement de ce projet essentiel et ambitieux.
NB : Conscient du caractère vital de l’état civil et de l’identité numérique, nous reviendrons sur les deux projets dans un avenir très proche.
Wack Ndiaye, Expert du Numérique
(Source : Le Techobservateur, 24 janvier 2024)