Les bouleversements technologiques qui ont marqué le monde à la fin des années 1990 se sont traduits durant cette dernière décennie par l’expression de nouveaux besoins apparus irréversibles au cadre de vie des groupes humains. En Afrique et dans les différents pays en voie de développement, on enregistre une forte demande des populations locales, notamment dans les zones les plus reculées du territoire, portant essentiellement sur des besoins de communication entre elles et avec le monde extérieur.

La problématique de l’accès aux services de communication électroniques modernes, notamment les services téléphoniques, les services de transferts d’argent, les divers services numériques des médias et des réseaux sociaux qui s’accompagnent corrélativement avec l’utilisation de la DATA mobile et de l’Internet fixe ; se pose à travers les coûts élevés et parfois inaccessibles pour les différentes couches de la population africaine. Les écueils sur les communications électroniques en AFRIQUE à l’ère de la 5G contrastent avec les enjeux du développement de la société de l’information pourtant inscrits en lettre d’or à travers des documents stratégiques encadrés par des dispositifs règlementaires. Cette situation pose des défis nouveaux aux politiques et décideurs en Afrique dans le cadre de la mise en œuvre des politiques publiques d’inclusion « aux mains de l’administration décentralisée ».

Dans le cadre du Sénégal qui fait sonner l’heure de « l’acte 3 » à sa politique de décentralisation, des politiques publiques efficientes doivent nécessairement se réaliser pour apporter des réponses efficaces aux besoins spécifiques des populations qui s’activent autour des activités économiques dans les zones isolées du pays.

Comment se fera la mise à disposition des services de communications électroniques et services dérivés aux populations rurales et administrations des régions reculées ?

Quels sont les prés requis pour permettre un accès facile à l’Internet, afin de soutenir les politiques modernes de télé médecine, E santé, E agriculture ou encore les méthodes modernes de surveillance réactive du monde pastoral ?

A l’heure de la transmission et de la protection des données personnelles, se pose également le problème de l’accès aux données pour la réalisation de l’ensemble des services orientés développement durable. Ces nombreux enjeux ont justifié l’adoption de la politique de service universel dans beaucoup de pays africains à la suite des recommandations de l’Union Internationale des Télécommunications et de la Banque mondiale aux fins de démocratisation des moyens de Télécommunication dans le monde. Dans sa recommandation en date de l’année 2002, le secteur de normalisation de l’IUT a demandé aux différents membres de l’organisation internationale de mettre sur pied un cadre juridique applicable au service universel.

Poursuivant dans ses considérations, l’IUT exige que les pouvoirs publics et les administrations au niveau de chaque pays tiennent compte de certains principes pour l’encadrement du SU Notamment :

« a) … un environnement compétitif, assurer le service universel par les participants au marché ; au cas où un opérateur ne peut pas dispenser un service dans un certain domaine, la possibilité sera donnée à d’autres opérateurs d’atteindre les objectifs de service universel dans ce domaine ;

Si les forces du marché ne peuvent pas assurer la réalisation de l’objectif de service universel, ce service doit de préférence et le plus possible être assuré par un financement direct par les budgets publics ou par un fonds spécial auquel tous les participants au marché devraient contribuer ;

b) si l’on n’a pas choisi la formule du financement direct ou si les fonds ne couvrent pas suffisamment les coûts assumés par les opérateurs, il faudra recourir à d’autres moyens de financement aux taxes d’accès au réseau, afin de réduire au minimum l’incidence de ces coûts sur la concurrence. »
Au Sénégal le SU est confirmé par une définition expresse dans le nouveau code des communications électroniques du Sénégal. Le SU est conçu comme « la nécessité de satisfaction d’un minimum de besoin consistant en un service téléphonique d’une qualité spécifiée à un prix abordable, ainsi que l’acheminement des appels d’urgence, la fourniture du service de renseignements et d’un annuaire d’abonnés, sous forme imprimée ou électronique et la desserte du territoire national en cabines téléphoniques installées sur le domaine public et ce, dans le respect des principes d’égalité, de continuité, d’universalité et d’adaptabilité ».

Au niveau supranational, le SU à son réceptacle dans l’Acte additionnel de la CEDEAO No A/ SA/6/01/07 du 19/01/2007. Ce texte communautaire d’application directe et immédiate sur le territoire des Etats membres, définit l’Accès/Service universel comme « l’accès à un ensemble de services minimal, sur le territoire des États Membres de la CEDEAO à l’ensemble de la population, indépendamment de leur localisation géographique et à des conditions tarifaires abordables ». Dans son effectivité l’expérience au Sénégal du service universel, s’est élaborée à la suite de la Lettre de Politique Sectorielle (LPS) adoptée en 2005. Dans le cadre du Sénégal, l’expérience du service universel s’est élaborée à la suite de la Lettre de Politique Sectorielle (LPS) adoptée en 2005. Le gouvernement de la République du Sénégal se fixait comme objectifs entre autres, de relier au moins 8000 ( Huit Mille) villages à au moins un (1) point d’accès téléphonique public en 2007 et la totalité des 14 206 villages que compte le pays au plus tard en 2010.

Dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie de développement du service universel des télécommunications élaborées en 2005, la région de Matam a été sélectionnée pour l’implémentation d’une phase pilote visant à tester l’introduction d’opérateurs de service universel pour la couverture des localités rurales. Le Consortium du Service Universel (CSU) est le premier et seul opérateur sénégalais de Service Universel attributaire d’une licence exclusive dans la région considérée à la suite d’un appel d’offre auquel l’opérateur historique SONATEL avait concouru. Avec l’adoption du décret N° 2007-593 du 10 mai 2007 fixant les modalités de développement du service universel des télécommunications, il a été établi au Sénégal les bases réglementaires du Service Universel.

Cette réglementation a été réactualisée avec le décret N° 2019-594 du 14 Février 2019 sur le Service Universel adoptée dans le sillage de la quatrième génération de code sur les télécommunications et les communications électroniques au Sénégal. En effet si l’on analyse avec toute son épaisseur historique les télécommunications au Sénégal, il apparait que les textes législatifs portant création de code des télécommunications remontent à l’année 1996. Sous le vent de libéralisation, il a été promulgué le premier code des télécommunications avec comme innovation majeure, la mise sous pied d’une agence chargée de la régularisation des télécommunications, de la gestion et du contrôle du spectre (fréquence). Cette institution qui venait symboliser la régulation des télécommunications au Sénégal, avait annoncé des principes de sa gestion, notamment 1. Le Respect des règles de saine concurrence 2. Le respect de l’égalité de traitement des usagers et de surveillance des éventuels abus de position dominante.

A la lecture du résumé de ce code ancien, c’est dire que le Sénégal s’était très tôt fixé des objectifs d’équité dans la couverture des réseaux ouverts aux publics dans le domaine des télécommunications. Avec la seconde génération de code sous l’ère de la loi 2001-15 du 27 décembre 2001, il est à noter dans la réglementation des télécommunications du Sénégal, une forte réaffirmation des principes de concurrence qui allaient se renforcer avec le passage à la privatisation et l’entrée en jeux de nouveaux acteurs. Cette même orientation juridique était motivée par la volonté de réalisation par l’état du Sénégal de ses engagements au niveau de l’union international des télécommunications, notamment

doter le secteur des télécommunications d’un cadre réglementaire efficace et transparent favorisant la concurrence loyal et l’équité dans la couverture quel que soit la situation sur le territoire.

Poursuivre le développement des réseaux et services en favorisant les initiatives tendant à les adaptés à l’évolution des technologies et aux progrès scientifiques.

Fournir un service public sur l’ensemble du territoire national et à toutes les couches sociales.

Favoriser la création d’emplois directement ou indirectement lié au secteur.

Au regard des dispositions de ce code, fixant comme objectifs la garantie à tous les citoyens l’accès aux services de télécommunications, le service universel a aussi été réaffirmé de manière expresse comme une obligation de : « mise à disposition de tous d’un service minimum consistant à un service téléphonique d’une qualité spécifié à un prix abordable ainsi que l’acheminement des appels d’urgence la fourniture du service de renseignement et de l’annuaire d’abonnés sous forme imprimé ou électronique et la déserte du territoire national en cabine téléphonique installé sur le domaine public et ce, dans le respect des principes d’égalité, de continuité, d’universalité et de rentabilité ».

Le troisième code des télécommunications du Sénégal est intervenu sous l’empire de la loi numéro 2011-01 du 24 février 2011 avec des innovations majeures allant dans le sens de la libéralisation et du renforcement des objectifs de satisfaction de l’ensemble des besoins des utilisateurs finaux des services de télécommunications à des conditions raisonnables. La libéralisation consacrée dans ce texte de 2011 venait renforcer la concurrence entre les opérateurs de services de télécommunications ouvert au public (Orange, Tigo, Expresso). Au titre des innovations qui mettaient le « curseur » sur la nécessité de satisfaction des taux de couverture par les opérateurs de télécommunication, il faut retenir

Le régime de partage d’infrastructures 2.le régime d’opérateur d’infrastructures
L’entrée de nouveaux acteurs dans le secteur des télécommunications notamment « 3) trois nouveaux fournisseurs d’accès internet (Waw, Africa Access, Arc informatique).

Les modifications de ce même code ont aussi permis l’avènement des MVNO (opérateurs mobiles virtuels). Trois licences ont été autorisées à YOU MOBILE, 2S MOBILE, PROMOBILE. Sur les trois MVNO, seul « PROMOBILE » aura démarré avec des vissicitudes certaines son exploitation depuis 2019. A l’analyse des réformes du code de 2011, il faut aussi retenir que l’obligation de partage d’infrastructures constitue un élément de renforcement de l’obligation d’interconnexion des réseaux et services de télécommunications.

Le partage d’infrastructure permet aux nouveaux entrants du marché ne disposant pas de moyen matériel permettant la construction d’infrastructures propre de pouvoir accéder à l’infrastructure de l’opérateur partenaire dominant grâce à une convention signée. Cette stratégie imposée par la régulation doit normalement avoir un effet d’entrainement sur la bonne satisfaction des besoins des utilisateurs quel que soit l’endroit où ils se trouvent sur le territoire. L’enjeu économique de ce partage d’infrastructure c’est de permettre aux nouveaux entrants de pouvoir s’installer facilement dans plusieurs zones reculées et de bénéficier d’une réduction des coûts et tarifs de service d’exploitation.

En ce qui concerne la dernière réforme intervenue avec la loi 2018-28 du 12 décembre 2018, portant adoption du 4e code au Sénégal, son innovation majeure consiste dans la nouvelle dénomination donnée à notre texte législatif désormais appelé code des communications électroniques. Ce nouveau « nom de baptême » participe d’une volonté de l’Etat et des acteurs de l’écosystème à prendre en charge l’ensemble des aspects innovants des télécommunications et des services numériques. Cette préoccupation s’inscrit dans les principes retenus au cours des différents travaux de réactualisation du texte de 2011, avec comme objectif final une dynamique de démocratisation des services de communications pour le bénéfice de l’ensemble des citoyens exprimant le besoin de communication quel que soit leur position sur le territoire.

Nous allons analyser l’impact et le niveau de réalisation de cette politique de démocratisation des communications électroniques par l’institution d’un SU au Sénégal et dans les pays africains.

LES VALEURS DU SERVICE UNIVERSEL DANS LES POLITIQUES PUBLIQUES EN AFRIQUE

Le service universel de télécommunications qui signifie une disponibilité des moyens de correspondance entre les citoyens des zones urbaines et ceux des zones périphériques pour leur intégration dans la société de l’information, est un instrument de politique publique qui peut combattre efficacement les dénis d’égalité et d’iniquité qui caractérisent les zones rurales africaines. Le développement convoité par les Etats peut être appréhendé comme un processus d’expansion des libertés réelles dont jouissent les individus. Les libertés politiques et sociales, liberté de participation ou d’expression, liberté de se soigner, sont les fils conducteurs du développement. Alors que pour peu qu’ils disposent de possibilités sociales adéquates, les individus sont à même de prendre en charge leur destin et de s’apporter une aide mutuelle.

Les populations africaines, notamment sénégalaises qui sont situées en zones rurales n’ont nullement besoin d’être considérées comme les destinataires passifs de programmes de développement sophistiqués concoctés par d’habiles experts ». Elles ont besoin d’avoir les moyens qui permettent leurs participations aux activités économiques du pays. Il faut comprendre le rôle libre et conséquent que les individus peuvent développer pour participer à tous les dynamismes de construction et de croissance sociale autour de leur environnement et au-delà.

En cela le SU est un droit pour les citoyens des périphéries désireux de s’épanouir par le biais de leurs activités économiques et sociales aux politiques du centre.

LES VALEURS ADMINISTRATIVES ET DE DEVELOPPEMENT DE L’INTERCOMMUNALITE

Apparaissant comme des moteurs du développement de « l’administration électronique », les collectivités doivent veiller à ce que l’ensemble des terroirs et des populations puissent bénéficier des nouveaux services (télé services, réseaux haut débit, téléphonie mobile, transfert d’argent, E Learning ?…).

Le support moderne à la gestion décentralisée des politiques publiques
Pour donner du relief à la gestion décentralisée des circuits administratifs en Afrique, il faut nécessairement un accompagnement des entités publiques et entreprises locales qui sont situées dans les zones reculées des Etats. Ce qui doit provoquer un impact décisif desdites entités sur l’échelle de croissance du pays. Cela ne pourra se faire qu’avec la transformation digitale de la société, qui pose des exigences nouvelles pour les acteurs de l’écosystème du numérique notamment les opérateurs de téléphonie. Au regard des enjeux énormes des communications électroniques au niveau des zones reculées des pays en développement, notamment le Sénégal, le service universel apparait comme un levier qui porte ses avantages dans le cadre de vie des populations et la gestion de l’administration.

La question de la modernisation dans la gestion communale et intercommunale et l’amélioration du fonctionnement des structures intercommunales constitue aujourd’hui une préoccupation majeure. A ce propos le service universel peut efficacement jouer des rôles essentiels dans la politique des infrastructures et de télécommunication. Le service universel doit avoir un impact positif dans les zones jugées non rentables « zones blanches » par les opérateurs classiques en favorisant l’usage démocratique des moyens de communications au bénéfice des entrepreneurs privés et des entités administratives décentralisées.

Les Etats africains doivent orienter des politiques publiques en partenariat avec les acteurs privés pour favoriser l’implémentation d’infrastructures de télécommunications pour permettre l’accès des populations à un réseau de télécommunication haut débit. Cet investissement dans le cadre d’un partenariat public privé (PPP), accompagne l’apport du service universel dans le processus de démocratisation des services de télécommunications au bénéfice des populations démunies. Malgré les revenus faibles des populations périphériques de l’AFRIQUE, nos Etats ont l’obligation à l’image des pays développés d’exiger l’existence de réseaux de communications permettant un accès à des couts abordables.

Le SU ne doit pas se présenter comme un service au rabais ou de qualité faible, mais il doit offrir tous les avantages d’un service moderne. Le service universel doit assurer une couverture réseau Internet haut débit en plus d’une offre de service de communication très préférentielle qui profitent aux différentes structures administratives publiques et para publiques (la Poste, la Gendarmerie les structures de santé, les Eaux et forêts etc.) La sécurisation des zones frontalières par l’existence de moyens de transmissions électroniques de l’information.

Il faut rappeler que les Nations Unies ont mis en place un plan permettant de financer l’association Télécoms sans frontières. L’objectif de ce projet consiste à mettre en place, à n’importe quel endroit de la planète et dans les 48 heures qui suivent la crise, des équipes d’intervention rapide en télécommunications. Télécoms Sans Frontières (TSF) est une ONG humanitaire fondée en 1998, spécialisée en télécommunications d’urgence. Le même élan doit être assuré partout en Afrique pour participer à la sauvegarde de la paix et de la sécurité au niveau des bandes frontalières. Au Sénégal une institution comme le « PUMA » doit être ce bras séculier de l’Etat qui réalise des politiques publiques pour faciliter les communications électroniques.

Les Valeurs d’inclusion sociale et économique du Service Universel de communications électroniques ;

L’omniprésence du numérique dans les secteurs de l’économie et du social est un élément catalyseur du développement des Etats africains.

Le numérique évolue à un rythme vertigineux, contribuant ainsi à la baisse des coûts de production économique pour les utilisateurs. En effet les moyens modernes de communications permettent un rapprochement des acteurs économiques et une facilitation des échanges et des opérations économiques. En cela ils permettent d’optimiser les couts de production grâce à l’effacement des nombreux parchemins qui sont neutralisés par le digital. En plus, le caractère innovant des nouvelles technologies contribuent à l’élaboration de nouveaux produits ou processus de production pour la satisfaction des besoins sociaux.

Les recherches économiques du début des années 1990, sur les retombées du secteur des télécommunications, attestaient que les télécommunications n’impactaient la croissance économique que lorsque le taux de pénétration des TIC avait atteint 40 lignes téléphoniques fixes pour 100 résidents. A l’heure actuelle, il existe des milliers d’usages réalisés à base des outils digitaux dans les secteurs essentiels de l’économie et du social, notamment le secteur des banques qui offrent des services en ligne, le secteur de l’agriculture, du commerce de manière générale.

L’Afrique développe aujourd’hui des plateformes de E-Commerce, mais cette dynamique ne doit pas laisser en rade les populations installées dans les terroirs. En effet on estime que les ventes mondiales du commerce électronique dépassent « 300 milliards de dollars » en 2023.

Mais selon les mêmes statistiques internationales, ce chiffre est loin d’atteindre le point de basculement, car « une personne sur quatre » dans le monde n’utilise pas le commerce électronique ou n’y a pas accès. Il faudrait à ce niveau s’interroger sur le comportement de l’Afrique dans le cadre des usages et de l’accès aux services numériques.

A l’analyse il apparait que seuls 28% des africains ont accès à l’Internet. Cette fracture numérique dans le continent présente une image plus critique dans les rapports entre le monde rural et les zones urbaines.

Au Sénégal, l’existence de structure comme la CMU dans le domaine de la couverture du risque maladie commande une connectivité haut débit pour l’usage sur les applications de santé et pour les systèmes d’information de la santé (E. SANTE) dans les zones reculées du pays par les infirmiers chef de poste. L’Etat doit aussi répondre au plaidoyer des éleveurs victimes de vols répétés et cela nécessite pour les politiques publiques de SU une forte connectivité permettant de développer des solutions IT pour la surveillance du bétail et pour l’agriculture ; (E. AGRICULTURE)

Le Service Universel : Un levier de croissance économique dans les terroirs africains

Sans tenir compte des situations géographiques des citoyens, il est jugé équitable de développer des politiques de communications pour stimuler une croissance économique stable au sein des Etats africains. En effet, il est ressorti d’une étude réalisée par l’Union internationale des télécommunications qu’un gain de 10 % de la pénétration du haut débit mobile engendrerait une hausse de 2,5 % du PIB par habitant en Afrique. D’après la conseillère spéciale pour l’Afrique auprès du Secrétaire général de l’organisation des Nations Unies CRISTINA DUARTE, « les solutions numériques ne peuvent pas émerger du néant. En effet les dirigeants doivent intégrer la mise en œuvre des technologies numériques dans un écosystème de l’innovation . L’aménagement numérique du territoire doit permettre au continent africain de s’inscrire dans une dynamique de développement économique durable et inclusif. L’éclosion actuelle de l’internet des objets, incite à l’utilisation des nouveautés technologiques pour le développement des services liés à l’irrigation pour les éleveurs établis dans les zones reculées de l’Afrique. Le développement d’un service universel qui permet l’usage facile des technologies liées aux IOT va permettre de résoudre le problème lancinant du contrôle des bêtes grâce à la géolocalisation en milieu rural. Il est donc établi du point de vue économique que les meilleures technologies de l’information et de la communication démocratisent les informations essentielles pour les agents de production et du marché, ce qui favorise des chaînes de valeur plus efficientes et des produits et services plus abordables ». Ces bénéfices apportés par les communications électroniques vont profiter aux couches les plus vulnérables du continent quel que soit la situation sur le territoire.

La création d’emplois jeunes dans les zones reculées du Continent africain

Les organismes multilatéraux, (ONU, Banque mondiale, ITU) considèrent que les TIC sont des facteurs et non des conséquences du développement économique. Les communications électroniques font en effet parties dans la vie sociale des technologies « de base » ou « polyvalentes ». Elles disposent de plusieurs caractéristiques qui illustrent leur capacité de contribution au développement par rapport à d’autres pans entiers de l’économie. Avec le développement du SU, les communications électroniques peuvent ainsi apporter leur contribution au développement durable, avec le même impact que des « utilitaires de la vie sociale » comme l’eau potable, l’électricité ou les transports. Les retombées d’une politique de SU qui encouragent le développement technologique sont visibles directement à travers les milliers d’emplois créés et les recettes réalisées et, indirectement, dans l’apparition de nouveaux biens et services qui soutiennent l’activité des autres secteurs. Par exemple, si les communications électroniques sont accessibles au plus grand nombre, il y’aura une accélération de la diffusion de l’information. Ceci va avoir un rôle indéniable dans le développement économique. Si les zones rurales sont connectées aux grandes villes, cela va favoriser la réduction des distances et la création de liens entre les personnes. L’effacement du cout des transports entre les capitales africaines et les zones périphérique frontalières sera un déclencheur au développement. Il faut en réalité une mise à disposition de ressources d’accompagnement des entreprises et du monde économique. Cela se fera par l’utilisation très élargie des outils de communications électroniques dans le commerce afin d’accélérer le processus de diversification de l’économie en contribuant à l’émergence des PME au niveau local. Les outils modernes de télécommunications peuvent être un moyen efficace dans la gestion des moyens de production ou de distribution. Par exemple dans un village très reculé du Sénégal dénommé « KIR SAMB » au niveau de la région de Louga, le vieux Sow raconte les mésaventures des bergers peuls par rapport à la commercialisation de leurs produits laitiers. En l’absence de réaction rapide des clients établis dans la capitale, des litres de lait sont chaque semaine versés à même le sol.

L’accompagnement à l’économie du numérique peut se traduire également avec l’octroi de bourses de formation aux personnes de couches diverses dans les domaines spécifiques de la zone considérée. Il faudra penser à la création d’un incubateur numérique qui sera le leitmotiv de l’entreprenariat des populations rurales, avec une bonne prise en compte de l’aspect genre. De ce fait les services de communications modernes pourront servir à la création d’emplois directs ou indirects au bénéfice des populations locales. Ce qui permettra de réaliser l’ensemble des objectifs du millénaire projetés à l’horizon 2030 dans le domaine des nouvelles technologies et de la société de l’information.

LA NECESSITE DE FAIRE CONVERGER LA POLITIQUE DU HAUT DEBIT AVEC LES AUTRES POLITIQUES MODERNES DU SOCIAL ET DE L’ECONOMIE

Les Etats en Afrique ont un devoir régalien vis-à-vis des populations du monde rural pour lesquelles les pouvoirs publics doivent engager une politique de numérisation des zones géographiques qui sont parfois « les oubliées » de la société de l’information. Ces zones de dénis revendiquent un droit social de participation à toutes les activités qui rythment habituellement la vie des hommes. Aussi, nos Etats africains devront élaborer ou renforcer la connectivité haut débit pour les écoles dans le cadre des programmes d’enseignement à distance (E Learning), au niveau des universités virtuelles ou même classique. Cet objectif ne sera atteint qu’avec une bonne maitrise du marché à travers la pratique de couts accessibles dans un jeu concurrentiel qui tient à la raison des objectifs de SU.

La régulation des coûts de communications orientée sur des principes d’équité pour l’accès à des usages adaptés

L’offre des opérateurs de communications électroniques dans les zones rurales doit épouser les réalités sociales de ces zones qui présentent des niveaux de revenus parfois très faibles. Par conséquent pour l’intérêt du consommateur final et pour la compétitivité des entreprises et des utilisateurs commerciaux, des tarifs d’accès et d’utilisation raisonnables et abordables doivent être appliqués sans préjudices sur la haute qualité de service. En effet, au regard des obligations résultant pour les opérateurs des dispositions de leurs cahiers de charges ou des textes législatifs et réglementaires qui organisent les communications électroniques, tous les abonnés des services de communications électroniques ont le droit social à un traitement équitable pour l’accès en termes de service, de prix, de qualité de service, quel que soit l’endroit depuis lequel ils accèdent au service et quel que soit le moment. Sans biaiser la compétitivité « des opérateurs d’affaires » au niveau national et international, l’objectif social de régulation des couts d’accès consistera à fournir un service universel qui permette un usage calibré sur le niveau social du milieu. Les Etats africains devront réussir leur politique de coûts grâce à la mise en place de mécanismes de financement des installations et infrastructures dans les terroirs. A ce titre l’institutionnalisation des fonds de service universel apparait comme une solution qui apaise les lourds financements des OPEX[10] et CAPEX des opérateurs de télécommunications.

Aux moyens de subventions accordés aux opérateurs en termes de financement du coût net ou en termes d’abandons de taxes, les Etats africains parviendront à limiter les effets que les conditions économiques et contractuelles associées à la connectivité Internet internationale ont forcément sur le niveau d’efficacité des politiques et des projets de service universel. Aussi les projets de co financement par les opérateurs des infrastructures de télécommunication et les partages d’infrastructures que la loi impose constituent des leviers qui permettent d’amortir la lourdeur de l’obligation de SU qui se réalise sur un territoire de densité faible avec des revenus commerciaux très limités.

Les opérateurs de communications électroniques en Afrique peuvent aussi dans la politique de partage d’infrastructure jouer sur les effets positifs du Roaming national qui permet d’orienter ses financements en infrastructures en tenant compte de l’existant et en faisant l’économie grâce à la présence des autres opérateurs. Les Etats en Afrique doivent penser à des régimes incitatifs sur le plan fiscal et sur les redevances FH à payer par les opérateurs. En effet si un opérateur doit réaliser un SU dans une zone de densité faible avec des tarifs réduits, il faut que l’Etat joue une politique de l’allègement des charges des opérateurs. Les chefs d’impôts pesant sur les entreprises de télécommunication ( Rutel – la redevance TVA sur les appels locaux – l’impôt sur les sociétés, les redevances sur l’usage des fréquences, les redevances sur l’usage des numéros de téléphone) doivent être réduits conformément aux ambitions de réalisation d’un service de communications en zone rurale qui s’apparente à un service public de télécommunication

La nécessité d’instaurer une meilleure concurrence dans les zones de SU
Le service universel de télécommunication est en principe un devoir régalien d’un Etat. Par conséquent il ne doit jamais être perçu comme un produit à vocation première de rentabilité. L’accès aux moyens de communications pour les sociétés africaines doit accompagner les objectifs de développement durable à l’image de ceux qui concernent l’eau, l’électricité et la santé. C’est l’une des raisons pour lesquelles, il faut que les Etats en Afrique, notamment au Sénégal adaptent les règles d’encadrement du service universel aux objectifs qui sont assignés aux opérateurs spécifiques de SU ou aux opérateurs classiques. Il faut que l’Afrique propose un modèle économique pour le SU, en misant toujours sur la réalisation du bienêtre social des consommateurs. En effet il existe par ailleurs dans le monde, plusieurs modèles économique et commercial pour accompagner le SU. Ces modèles tiennent au type d’opérateur investi de la mission de couverture de la zone blanche. Certains pays choisissent l’opérateur historique pour lui confier la tâche de SU. Au Sénégal l’Etat aurait pu choisir la SONATEL pour une couverture des zones blanches jugées sensibles au regard des potentialités économiques, démographiques et humaines que regorgent la zone cible.

D’autres pays choisissent d’inscrire dans le cahier des charges de l’ensemble des opérateurs des obligations de service universel (OSU). Et pour d’autres pays comme le Sénégal un nouvel entrant domestique local est choisi pour la réalisation des obligations de couverture de la zone de SU choisie par le régulateur de télécommunication. Pour les pays africains qui ont fait option de choisir un opérateur de service universel pour une région comme c’est le cas dans la zone du nord à MATAM, l’opérateur de SU doit normalement pour une survie de son activité, bénéficier d’un privilège de couverture sur le périmètre de son terroir. Si l’on reste sur le cas du Sénégal, il est évident que l’Etat doit impérieusement revoir le cadre d’encadrement de la politique de CSU. D’abord il faut que le nouvel entrant adjudicataire de la licence de SU bénéficie d’un privilège de couverture sur une zone jadis désertée par les opérateurs classiques.

Par l’attrait que créé l’existence d’un opérateur de SU, il ne faut pas que les opérateurs classiques créent une concurrence qui finalement rend stérile l’activité principale de l’opérateur de SU. Les opérateurs classiques ne peuvent pas proposer dans la zone de SU des tarifs extrêmement bas dans le seul but de faire jouer une concurrence qui sauvegarde leur présence dans la zone Si l’Etat opte pour le choix d’un opérateur domestique dédié au SU, celui-ci doit bénéficier de protection légale sur la couverture. Même si les opérateurs existants disposent de licence globale et nationale, leur entrée sur le périmètre de SU doit suivre le rythme de l’opérateur dédié en termes de tarifs et d’offres de services. Le régulateur doit imposer à tout intervenant dans la zone de SU, des tarifs uniformisés à ceux qui sont appliqués par l’opérateur dédié à la zone. Dans les pays où l’Etat opte pour la désignation de l’opérateur historique pour réaliser la couverture des zones blanches, il faut interdire l’application d’une politique commerciale qui vise une maximisation de la rentabilité. Si l’opérateur impose des tarifs orientés sur ses coûts dans la zone de SU qui présente une densité réduite et des rigueurs physiques obligeant à des surplus de financements, le taux de couverture du service de haute qualité sera toujours sous optimal.

POUR NE PAS CONCLURE SUR LE SERVICE UNIVERSEL

Il faut retenir que les territoires africains comptent beaucoup de zones reculées qui sont de densité certes faible, mais qui expriment le besoin d’un réseau de télécommunication ouvert au public. Le développement de politiques de SU au sein des Etats africains pourrait avoir un effet d’entrainement sur les taux de couverture nationale relevant des obligations d’ordre public et des engagements conventionnels des opérateurs existants. Malgré la faiblesse des moyens, les politiques publiques en Afrique doivent inciter au respect de la responsabilité sociétale des opérateurs de communications électroniques.

Les opérateurs doivent se positionner comme des acteurs dynamiques de la vie économique et sociale des terroirs en Afrique et non comme « des entités d’affaires » La politique de SU aura un impact social décisif sur les terroirs aussi bien au niveau de sa numérisation, de l’emploi des jeunes que de la vie sociale en générale.

Il faut élargir la politique de SU dans une dynamique d’intégrer les territoires africains par le biais de leurs terroirs. Les communications électroniques peuvent constituer un levier social à l’intégration économique des organisations sous régionales africaines. L’UEMOA, la CEDEAO, la CEMAC, l’UNION DU MAGRHEB ARABE doivent impulser à travers des directives des politiques de couverture des zones frontalières dépourvues de réseaux. Car les populations civiles et les administrations, (fonctionnaires affectés, enseignants etc.) sont parfois laissées en rade par rapport aux objectifs centraux de développement.

La politique de FREE ROAMING initiée au sein de la CEDEAO est déjà une bonne contribution à l’intégration des peuples africains, mais les populations des zones périphériques ne sentent nullement l’impact de ces facilités de circulation aux moyens de la communication. L’anecdote des fonctionnaires affectés en zone rurale et obligés de se retrouver aux mêmes heures dans l’indiscrétion totale au tour « des points réseaux » de villages africains pour pouvoir communiquer avec leurs familles laissées en ville, est une illustration très indélicate de la nécessité de développement d’un SU africain à l’échelle des Etats. La situation des populations sénégalaises qui captent les réseaux des opérateurs des pays frontaliers à la place des réseaux ouverts au Sénégal ou qui sont parfois obligées à un mécanisme de Roaming qu’elles ignorent marque un échec à la politique de décentralisation.

Le manque de moyens de communication pour les Postes de santé vers les districts de santé, de ce premier niveau de la pyramide sanitaire vers la direction régionale de la santé pour un acheminement des données de santé vers la direction générale de la santé sise au ministère, sonne l’alarme à une impérieuse nécessité pour le développement du SU.

L’accompagnement à l’économie et au social par les moyens de communications électroniques, peut se traduire également avec l’octroi de bourses de formation aux personnes de couches diverses dans les domaines spécifiques qui sont susceptibles de porter la croissance de la zone rurale considérée. Il faudra penser à la création d’un incubateur numérique qui sera le leitmotiv de l’entreprenariat des populations rurales, avec une bonne prise en compte de l’aspect genre. De ce fait les services de communications modernes pourront servir à la création d’emplois directs ou indirects au bénéfice des zones économiquement faibles et de leurs populations locales. L’exode rural sera combattu et au-delà de la fracture numérique, une fracture sociale pourra être fortement contenue. Cet objectif économique et social pourrait être atteint à condition que les fonds de service universel bénéficient à l’ensemble des couches sociales en servant de support à leurs activités. Les ministères africains des télécommunications, du commerce, de la santé et des collectivités locales, doivent établir les passerelles d’une constante coordination pour faire converger leurs priorités sectorielles vers l’atteinte des objectifs de développement durable en s’appuyant sur les fortunes diverses des communications électroniques. La création des pôles industriels dans certains pays africains notamment au Sénégal doit s’accompagner…

Samba Diouf, Juriste consultant en Droit du numérique, des Télécommunications, Droit des affaires

Chargé de cours à l’université du Sahel/Sénégal

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