Des professionnels des médias et des acteurs engagés dans la lutte contre la désinformation recommandent aux journalistes, de plus en plus concurrencés dans leur travail par les réseaux sociaux, amplifiant la prolifération des fake news, de s’investir davantage dans ce domaine pour lutter efficacement contre ce phénomène.
Ils font valoir que la lutte contre la désinformation est une question qui “préoccupe aujourd’hui toutes les grandes démocraties du monde”.
“Il faut que les journalistes assument leur statut et se mettent dans l’air du temps, en allant dans le champ même de ceux qui font la désinformation”, a par exemple suggéré Mamadou Diagne, journaliste et gestionnaire des plateformes digitales de la radiotélévision publique sénégalaise (RTS).
Il prenait part à une conférence publique sur la désinformation en période électorale, une rencontre organisée jeudi par la rédaction francophone d’Africa check, basée à Dakar.
La rencontre a enregistré la participation de professionnels des médias et des acteurs engagés dans la lutte contre la désinformation en Afrique.
Elle a été aussi l’occasion de présenter le rapport de l’alliance de vérificateurs de faits dénommée “Saytu SEN2024”, regroupant plusieurs médias sénégalais, et les enseignements tirés de leur travail de lutte contre la désinformation durant l’élection présidentielle de mars 2024 au Sénégal.
Le journaliste et fondateur de la Maison des reporters (LMDR), Moussa Ngom, a aussi invité ses confrères à “s’adapter au rythme et aux habitudes de consommation de l’information”, en utilisant les mêmes canaux de diffusion.
Il a également appelé les Etats à jouer la carte de la “transparence”, notant que “la censure ou la restriction d’Internet n’ont jamais été la meilleure solution pour combattre la désinformation”.
Mountaga Cissé, spécialiste des médias sociaux, a déploré la réaction très souvent “tardive” des pouvoirs publics devant les rumeurs. “Ce qui constitue, très souvent, le lit pour la production et la prolifération de fake news”, a-t-il poursuivi.
“Donner le bâton pour se faire battre”
Journaliste à la rédaction francophone d’Africa check, Azil Momar Lo, a souligné “l’inaccessibilité” des sources pour les vérificateurs d’informations dans des pays comme le Sénégal.
Dans certains pays comme les Etats-Unis, The Washington Post, par exemple, peut se permettre de produire plus de 30 mille articles de vérifications en quatre ans, compte tenu d’un accès facile à l’information.
“Il nous faut des gens et des initiatives qui se consacrent à la vérification, surtout que la production de l’information n’est plus une affaire des seuls journalistes”, estime Amadou Kanouté du ministère de la Communication, des Télécommunications et du Numérique.
“La désinformation est un phénomène qui préoccupe aujourd’hui toutes les grandes démocraties du monde”, a-t-il martelé, appelant à une ” collaboration entre acteurs des médias, chercheurs et société civile pour atténuer le fléau”.
L’enseignante-chercheur Yacine Diagne, en service au Centre d’études des sciences et techniques de l’information de Dakar, a pour sa part insisté sur “l’éducation aux médias”, afin que le consommateur d’information puisse comprendre le processus de fabrication.
Le journaliste et bloggeur Pape Ismaila Dieng s’est interrogé sur la question de la législation des médias au Sénégal.
Les journalistes “ont demandé à l’Etat de légiférer, et ce dernier a dit qu’il va s’y mettre à sa manière”, une manière à ses yeux de “donner le bâton pour se faire battre”.
(Source : APS, 31 mai 2024)