L’article 76 de la Loi 2028-28 portant code des communications électroniques dispose en son alinéa 3 « les opérateurs doivent tenir une comptabilité analytique permettant de déterminer les coûts, produits et résultats de chaque réseau exploité ou chaque service offert » …Le même principe de la séparation comptable est indiquée dans le décret 2022-1357 relatif à l’Interconnexion, au partage d’infrastructures et à l’accès, notamment en son article 20 sur les tarifs d’interconnexion.
Le législateur sénégalais a fait le choix beaucoup moins drastique d’une séparation comptable entre réseau et services. L’objectif de cette séparation est d’identifier l’ensemble des flux financiers entre par exemple Orange Sonatel « réseau » et Orange Sonatel « services », sans pour autant lui exiger de créer deux entités distinctes. Ce modèle de comptabilité analytique met en évidence les prix de transferts internes auxquels un virtuel Orange Sonatel « services » achète les services de réseau à un virtuel Orange Sonatel « réseau » et il permet de comparer ces prix comptables aux prix de gros facturés aux opérateurs tiers. Ici, le régulateur dispose d’un outil permettant d’apprécier si l’accès au réseau est non discriminatoire, et c’est à l’aide de cet instrument que sont pilotés plusieurs tarifs de gros de l’opérateur dominant, notamment ceux du dégroupage de la boucle locale, c’est-à-dire de la location de cette boucle aux concurrents de l’opérateur dominant.
En effet, il est difficile de positionner les « frontières comptables » dans un secteur fortement impacté par la technologie et tracer une ligne de démarcation, qui isole le réseau des services au risque d’aboutir à un résultat mitigé.
Le régulateur doit garder à l’esprit, que dans un secteur comme celui des communications électroniques, où le progrès est continuel et soutenu, un schéma d’organisation qui pourrait paraître pertinent à la date « t » risquerait de très vite devenir obsolète et inadapté. D’un point de vue statique, séparer la gestion de l’infrastructure réseau de la fourniture des services semble séduisant, car la séparation peut favoriser un accès plus ouvert et équitable aux nouveaux entrants. Par contre, dans un secteur sujet à une forte dynamique d’innovation, mieux vaut préserver la flexibilité comme levier de régulation. Il faut vraiment que de sérieux problèmes de barrière à l’entrée se manifeste pour que l’érection d’une « ligne Maginot » entre l’infrastructure et l’info structure soit requise avec comme conséquence l’instauration pour le régulateur d’une séparation structurelle ou fonctionnelle.
Isaac Sissoko
(Source : [Facebook->http://www.facebook.com/, 12 avril 2024)