Depuis l’arrivée de la Covid-19 qui a entraîné un boom du numérique dans le secteur de l’emploi, les pays essayent d’anticiper l’impact de l’IA sur les travailleurs. Un nouveau rapport du FMI montre que si l’impact sera moins important en Afrique qu’ailleurs, il risque d’aggraver les inégalités entre les pays.
Près de 40% des emplois dans le monde seront impactés par les effets de l’Intelligence artificielle (IA). C’est ce qui ressort d’un rapport publié le 14 janvier dernier par le Fonds monétaire international (FMI).
Selon l’étude, cet impact sera inégalement réparti selon le niveau de développement des pays. Alors que les pays riches verront 60% de leurs emplois être impactés par l’IA, ce taux n’atteindra que 40% dans les pays émergents contre seulement 26% dans les pays à faible revenu. En d’autres termes, les pays avancés seront ceux où les emplois seront les plus vulnérables à l’IA, mais également ceux où les travailleurs seront le plus à même de profiter des opportunités offertes par cette révolution, creusant ainsi les inégalités avec les pays les plus pauvres.
« Ces conclusions laissent entendre que l’IA donnera lieu à moins de bouleversements immédiats dans les pays émergents et les pays en développement. Il faut dire que nombre de ces pays ne disposent ni de l’infrastructure ni de la main-d’œuvre qualifiée pour tirer parti des bienfaits de l’IA, ce qui accentue le risque de voir la technologie aggraver les inégalités entre les pays au fil du temps » précise le FMI.
Préparer l’Afrique à saisir le potentiel de l’IA
Ce rapport intervient dans un contexte où l’Intelligence artificielle devient de plus en plus une question majeure de politique publique, tant au niveau des pays riches que des pays pauvres. En Afrique, les événements et conférences sur le thème de l’IA se sont multipliés ces dernières années, stimulés par les perturbations apportées par la crise de Covid-19 dans les habitudes des populations, désormais de plus en plus influencées par le numérique.
« On ne sait pas encore comment [l’IA, Ndlr] affectera les emplois existants et quelles seront les préoccupations en matière de sécurité, mais il est déjà possible de voir que c’est l’Afrique qui a le plus à gagner », déclarait le président rwandais Paul Kagame en avril 2023, à l’occasion du Transform Africa Summit, dont les discussions ont accordé une place centrale à cette question.
Si la volonté d’anticiper sur la question et de saisir le potentiel de cette révolution numérique pour l’Afrique, tant au niveau des décideurs publics que des acteurs privés, semble présente, le continent doit encore relever d’importants défis qui l’empêchent d’être préparé au déploiement à plein potentiel de l’IA. Malgré la progression importante du nombre d’abonnés internet sur le continent, l’Afrique reste la région la moins connectée du monde.
D’après le rapport, la préparation à l’IA varie selon les niveaux de développement des pays. Les économies avancées et les marchés émergents plus développés devraient investir dans l’innovation et l’intégration de l’IA, ainsi que dans des cadres réglementaires adaptés. Mais pour les économies moins préparées, africaines notamment, le développement infrastructurel et la formation d’une main-d’œuvre numériquement compétente sont prioritaires. A cela doivent s’ajouter des filets de sécurité sociale et la reconversion des travailleurs vulnérables à l’IA pour assurer l’inclusivité.
« Dans la plupart des scénarios, l’IA aggravera probablement l’inégalité globale, une tendance inquiétante à laquelle les décideurs doivent remédier en amont pour éviter que la technologie ne vienne exacerber les tensions sociales. Les pays doivent absolument constituer des dispositifs de protection sociale complets et prévoir des programmes de reconversion pour les travailleurs exposés », souligne le FMI. Et d’ajouter : « En agissant de la sorte, nous pourrons rendre la transition vers l’IA plus inclusive en protégeant les moyens d’existence et en réduisant les inégalités ».
Moutiou Adjibi Nourou
(Source : Agence Ecofin, 17 janvier 2024)