Dans un communiqué daté du 12 juin 2024, le pouvoir nigérien a annoncé un amendement de la loi sur la répression de la cybercriminalité. La nouvelle version du texte suscite des craintes chez les journalistes locaux.
Au Niger, les journalistes peuvent à nouveau encourir la prison pour des reportages ou articles de presse. Un communiqué signé le 12 juin par le ministre de la Justice annonce la remise en vigueur sur ordonnance du dirigeant nigérien Abdourahamane Tiani, des peines d’emprisonnement pour la « diffusion de données de nature à troubler l’ordre public ou à porter atteinte à la dignité humaine ».
La privation de liberté est également possible pour la « diffamation ou l’injure par un moyen de communication électronique ». La mesure vise selon le communiqué, « d’une part à rétablir l’équilibre entre la liberté d’expression et la protection des droits individuels et d’autre part à préserver la tranquillité et la sécurité publiques ».
Désormais, « les citoyens, les journalistes, les professionnels de la communication doivent […] veiller à ne pas porter atteinte à la réputation et la dignité d’autrui et s’abstenir de diffuser des données de nature à porter atteinte à l’unité nationale ou à l’ordre public ». Il s’agit d’un retour à la loi initiale de répression de la cybercriminalité, abrogeant une dépénalisation obtenue en 2022 après mobilisation nationale.
La première version du texte adopté sous la présidence du chef d’État déchu Mohamed Bazoum prévoyait également des peines de prison pour les motifs cités. Mais ces dernières avaient été supprimées après des plaintes des associations de défense des libertés individuelles et de la presse.
Les journalistes se plaignaient notamment du fait que des articles défavorables au pouvoir puissent être considérés comme un trouble à l’ordre public et instrumentalisés pour intimider et réprimer la presse. Le retour de la privation de liberté pour ce motif suscite déjà de vifs débats sur les réseaux sociaux.
Pour les autorités nigériennes, la suppression des peines de prison s’est faite « en dépit de l’opposition d’une large majorité des Nigériens » et a provoqué « la prolifération à travers les réseaux sociaux de propos diffamatoires, injurieux et la diffusion des données de nature à troubler l’ordre public ».
Servan Ahougnon
(Source : Agence Ecofin, 13 juin 2024)